Le communiqué du Vatican a insisté sur le fait que l’entretien entre Tsakhiagiin Elbegdorj et Benoît XVI avait permis de resserrer les « bonnes relations déjà existantes entre la Mongolie et le Saint-Siège ». En effet, bien que de fondation récente, la jeune mais vivante Eglise de Mongolie a parcouru en seulement quelque vingt années d’existence, les étapes la menant d’une situation ex nihilo à une communauté forte d’un millier de baptisés, répartis aujourd’hui sur quatre paroisses (2). En 1992, à peine la nouvelle république de Mongolie était-elle née des cendres de l’ancien Etat communiste qu’elle rétablissait les relations diplomatiques avec le Saint-Siège et autorisait de nouveau les missionnaires à pénétrer sur son territoire. C’est d’ailleurs à l’invitation du gouvernement lui-même que l’Eglise catholique, avait envoyé dès 1993, trois prêtres de la Congrégation du Cœur Immaculée de Marie (CICM) reconstruire les bases d’une communauté chrétienne sur les lieux où, 70 ans plus tôt la même congrégation avait créé une mission sui juris, entièrement balayée par l’avènement du communisme (3).
Selon les statistiques actuellement disponibles mais peu fiables car établies sur la base des référencements de chaque communauté religieuse, les chrétiens représenteraient à l’heure près de 2 % des quelque 3 millions d’habitants de la Mongolie, lesquels pratiquent majoritairement une forme locale de bouddhisme tibétain, mêlée de croyances chamaniques. La communauté catholique continuant de se développer, Mgr Wenceslao Padilla, d’origine philippine, a été nommé en 2003 préfet apostolique d’Oulan-Bator et en 2004, une version catholique de la Bible accompagnée des principales prières a été publiée en langue mongole traditionnelle.
Mais en s’ouvrant au monde extérieur dans les années 1990, la nouvelle république de Mongolie a également vécu une véritable « explosion » des spiritualités, favorisée par la liberté religieuse désormais inscrite dans la constitution. Aujourd’hui, l’Eglise catholique poursuit sa croissance dans une effervescence religieuse où se croisent divers courants spirituels, dont l’islam (auquel adhérerait environ 5 % de la population), de petits groupes de baha’is et de mormons, mais surtout de nombreuses Eglises protestantes, essentiellement évangéliques et pentecôtistes, dont la croissance est quasi exponentielle (4).
Dès son installation, l’Eglise catholique, frappée par les besoins d’une population très démunie après de longues décennies de gouvernement totalitaire, s’est investie dans des projets d’aide sociale et éducative. Avec le plein accord du gouvernement sur ces initiatives s'inscrivant dans un projet de reconstruction du pays, les nombreuses congrégations qui avaient rejoint les CICM ont créé rapidement des écoles, des centres d’accueil et de soins, des hôpitaux et même des magasins d’alimentation ou encore des exploitations agricoles.
C’est ainsi que lors de sa visite du 17 octobre, le président mongol a pu souligner auprès de Benoît XVI la bonne « entente et coopération existant entre l’Eglise catholique et l’Etat de Mongolie dans le domaine de l’éducation et du travail social ».
A l’issue de l’entrevue, le président de la république de Mongolie a présenté au pape les membres de sa délégation dont le Vén. Khamba Lama D. Choijamts, chef spirituel du bouddhisme tibétain de Mongolie. Lui renouvelant son invitation à être le premier pape à se rendre en Mongolie, Tsakhiagiin Elbegdorj a offert au Saint-Père un manuscrit où figurent leurs deux noms en écriture mongole traditionnelle.
(1) Agé de 48 ans, diplômé d’Harvard, Tsakhiagiin Elbegdorj est le premier président de la République de Mongolie à n’avoir jamais appartenu au Parti révolutionnaire du peuple mongol (PRPM) constitué d’anciens communistes. Après avoir effectué deux mandats en tant que Premier ministre, il a été élu le 18 juin 2009, à l’issue d’une longue période d’instabilité politique. Il est le deuxième président mongol à rendre visite au pape depuis le rétablissement des relations diplomatiques. Son prédécesseur Natsagiin Bagabandi avait été reçu par Jean-paul II en juin 2000 et l’avait invité à se rendre en Mongolie, un projet qui avait été agréé par le pape mais qui n’avait pu être mené à son terme en raison de l’affaiblissement de la santé de ce dernier.
(2) Aujourd’hui, la préfecture apostolique de Mongolie compte quatre paroisses, dont à Oulan-Bator, la paroisse Ste-Marie, la paroisse St Pierre-St Paul (cathédrale), celle du Bon Pasteur, et depuis 2007, la paroisse Marie-Secours des chrétiens, dans la ville de Darhan.
(3) Toutes les institutions religieuses existantes en Mongolie ont connu une répression féroce à partir de 1921, date de l’instauration d’un régime marxiste inféodé à Moscou. En quelques années, les 2 500 monastères et lamaseries que comptait le pays avaient disparu et les communautés chrétiennes naissantes avaient été anéanties. La liberté religieuse a été rétablie en 1991 avec le retour de la démocratie, et les missionnaires chrétiens ont été invités à revenir en même temps qu’étaient rétablies les relations diplomatiques avec le Vatican.
(4) Sur l’émergence des nouvelles religiosités en Mongolie, voir le dossier « Mongolie : le bouddhisme perd du terrain » dans le Supplément EDA n° 6 de janvier 2009.