PHIILIPPINES: Le P. Eddie Panlilio, prêtre catholique et gouverneur de la province de Pampanga, a fait volte-face et retiré sa candidature pour l’élection présidentielle de 2010.

Le 4 septembre dernier, dans les murs du très sélect et historique Club Filipino, à San Juan, au nord-est de Manille, le P. Eddie Panlilio, prêtre catholique et gouverneur de la province de Pampanga, a officiellement retiré sa candidature à l’élection présidentielle de 2010. « Après avoir longuement prié, réfléchi et consulté, nous avons décidé de répondre à l’appel lancé par le sénateur Mar Roxas mardi dernier (1er septembre) pour aimer son pays dans le sacrifice et l’unité. Nous avons décidé de ne pas donner suite à notre projet de nous présenter aux élections présidentielles à venir », a déclaré le P. Panlilio, en lisant un communiqué rédigé en commun avec Grace Padaca, gouverneur de la province d’Isabela, la personnalité politique avec laquelle le prêtre catholique projetait de se présenter devant les électeurs sur un ticket commun pour les postes de président et vice-président.

L’annonce du P. Panlilio intervient en complète contradiction avec celle qu’il avait faite quelques semaines plus tôt, le 21 juillet 2009, où il expliquait que, quoi que cela doive lui coûter, il était prêt à abandonner son état de prêtre pour servir son pays, en briguant la fonction suprême de président de la République (1). Elu gouverneur de Pampanga en 2007 sur un programme de lutte contre la corruption et la mainmise de l’oligarchie philippine sur les leviers-clefs du pays, le P. Panlilio avait été suspendu de la prêtrise par son supérieur hiérarchique, l’archevêque de San Fernando, dès le début de sa campagne électorale. Le droit canon interdit en effet aux clercs la participation à une charge publique comportant une participation à l’exercice du pouvoir civil (cf. canon 285 du Code de droit canonique). Sa candidature, puis sa participation à l’exercice du pouvoir divisaient l’Eglise catholique des Philippines. Certains le soutenaient, telle l’Alliance des ex-séminaristes des Philippines, mais l’épiscopat était nettement plus circonspect.

Dès l’annonce du retrait de sa candidature par le P. Panlilio, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Angel Lagdameo, n’a pas caché son soulagement. « Je suis heureux que le gouverneur Ed Panlilio ait décidé de se retirer de la course à la présidentielle », a-t-il déclaré à la presse. Depuis l’archevêché de San Fernando (qui se trouve dans la province de Pampanga), l’évêque auxiliaire, Mgr Pablo David, a déclaré qu’il espérait que son confrère dans le sacerdoce allait choisir d’abandonner tout engagement direct en politique. « Nous sommes heureux de cette nouvelle et nous espérons qu’il ne se représentera pas devant les électeurs en 2010 et retournera à son ministère de prêtre », a précisé l’évêque sur les ondes de Radio Veritas. Sur le fond, les évêques reprochaient au P. Panlilio le flou dans lequel il maintenait ses électeurs et les citoyens philippins: n’étant pour le moment que suspendu de son ministère et refusant de demander sa réduction à l’état laïc, il pouvait conserver le prestige attaché à la figure du prêtre.

Sur un plan politique, le revirement du P. Panlilio s’inscrit sans doute dans le mouvement qui prend actuellement de l’ampleur pour amener le sénateur Benigno Aquino III, fils unique de Cory Aquino, à se présenter à la présidentielle de 2010. Cory Aquino, surnommée « l’icône de la démocratie philippine », est décédée le 1er août dernier et, face à l’actuelle présidente, Gloria Arroyo, qui manœuvre pour briguer un troisième mandat présidentiel, l’opposition et certains milieux réformateurs poussent la candidature du fils Aquino. Leader de l’opposition sous Ferdinand Marcos, le père de Benigno Aquino III, Benigno Aquino, avait été emprisonné en 1972, exilé en 1980, et finalement assassiné en 1983 sur le tarmac de l’aéroport à Manille, lors de son retour d’exil aux Etats-Unis.

Le 1er septembre dernier, soit trois jours avant l’annonce du retrait du P. Panlilio, le sénateur Mar Roxas, dans les mêmes locaux du Club Filipino (2), annonçait lui aussi son retrait de la course à la présidentielle au profit de Benigno Aquino III. Sénateur le mieux élu du pays en 2004 avec 19 millions de suffrages sur son nom, Mar Roxas était un candidat potentiel, avec 11 % des intentions de vote. Le 1er septembre, il a justifié son effacement au nom du slogan: « Country above self. Bayan bago ang sarili », pour souligner les qualités d’intégrité et de renouveau démocratique portées par Benigno Aquino III. Ce dernier n’a pas encore fait connaître sa décision concernant son éventuelle candidature à la présidence; il s’est contenté de faire savoir qu’il partait méditer, le temps d’une retraite, dans un carmel du sud du pays. Il est de notoriété publique que sa candidature bénéficie du soutien de l’Eglise catholique, notamment de Mgr Angel Lagdameo.

(1) Voir EDA 512

(2) C’est dans les murs du Club Filipino que Cory Aquino a prêté serment, en 1986, devenant ainsi la première femme à diriger le pays (1986-1992) et, surtout, celle qui allait incarner le passage des Philippines de la dictature à la démocratie.

(Source: Eglises d'Asie, 7 septembre 2009)