L’évêque de Cubao (banlieue de Manille), Mgr Honesto Ongtioco, et celui de Sorsogon (sud-est de Luçon), Mgr Arturo Bastes, ont publiquement exprimé leur soutien à la plainte déposée contre Rodrigo Duterte à la Cour pénale internationale (CPI) par un avocat philippin, le 24 avril dernier. Dans un document de 77 pages, le président philippin est accusé de « massacre » pour avoir lancé une sanglante campagne antidrogue, qui a causé la mort de près de 9 000 personnes selon les médias, 7 000 selon la plainte déposée.
Pour Mgr Honesto Ongtioco, il s’agit d’utiliser des moyens légaux face aux accusations émises à l’encontre du président. « Les gens ont le droit d’exprimer leur intime conviction conformément aux mesures prévues par le système judiciaire », déclare l’évêque de Cubao.
« Avec cette première étape, la Cour pénale internationale pourra appliquer des sanctions à la hauteur de la violation, continue et visiblement encouragée par le pouvoir, des droits de l’homme dans notre pays », souhaite pour sa part Mgr Arturo Bastes. « Notre espoir est que cette action pèse dans les esprits et conduise tous les membres du gouvernement accusés à finalement décider d’arrêter ces tueries barbares », poursuit l’évêque de Sorsogon.
Une Conférence épiscopale prudente
On peut néanmoins considérer ces deux réactions comme isolées, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) n’ayant pas officiellement réagi, comme elle a pourtant l’habitude de le faire, avec une déclaration publique. Contactés par Eglises d’Asie quelques jours après, n’étaient d’ailleurs disponibles pour commenter l’information ni le président de la CBCP, Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lipa (nord de Manille), ni son vice-président Mgr Romulo Valles, qui n’est autre que l’archevêque de Davao, la ville du président Rodrigo Duterte à Mindanao. L’Eglise des Philippines compte 86 diocèses et archidiocèses.
Coïncidence ou non, il y a quelques semaines, le président de la CBCP rencontrait plusieurs membres du cabinet de Rodrigo Duterte, afin de tenter de pacifier des relations passablement dégradées entre l’Eglise catholique et le président de la République.
En-dehors des deux évêques précités, les rédemptoristes ont eux aussi exprimé publiquement leur soutien à l’action entamée devant la Cour pénale internationale. « Il n’y a aucun signe que le président mettra fin aux tueries, et donc notre espoir, c’est d’y parvenir par des moyens judiciaires, soit en le destituant soit en saisissant la Cour pénale internationale », estime le P. Amado Picardal, de la paroisse rédemptoriste de Baclaran à Manille. Une paroisse qui a été la première à avoir financé intégralement les obsèques de victimes de la guerre antidrogue. « Nous n’avons pas été capables d’arrêter Rodrigo Duterte et ses escadrons de la mort lorsqu’il était maire de Davao, et c’est toujours le cas aujourd’hui », poursuit le prêtre.
Un président sûr de lui et de sa politique
En mars dernier, l’évêque de Sorsogon avait déjà publiquement exprimé son soutien à la procédure de destitution lancée par un député de l’opposition, tout comme celui de Marbel (sud des Philippines), Mgr Dinualdo Gutierrez. Quelques jours auparavant, la Chambre des représentants s’était prononcée en faveur du rétablissement de la peine de mort, suscitant une très forte opposition et mobilisation au sein de l’Eglise catholique philippine.
Fin 2016, face à la pression exercée par les pays occidentaux, Rodrigo Duterte était allé jusqu’à menacer de quitter la CPI, première juridiction pénale internationale permanente. « La CPI est inutile. Les Russes ont choisi de s’en retirer. Je pourrais faire pareil », avait-il déclaré.
En parallèle de la plainte déposée à la CPI, plusieurs membres du gouvernement Duterte se sont déplacés le 8 mai à Genève pour « l’examen périodique universel », l’évaluation de la situation des droits de l’homme à laquelle sont soumis tous les quatre ans chacun des pays membres de l’ONU. Les représentants philippins y ont défendu la guerre antidrogue, malgré les critiques de nombreux pays. Rodrigo Duterte avait un temps menacé de quitter également l’ONU. Mais quelques jours plus tard, devant les médias philippins, des membres du gouvernement avaient rétropédalé.
A Genève, le représentant du Saint-Siège, Monseigneur Mauro Cionini, s’est déclaré en faveur d’un examen « approfondi » des Philippines. Quatre-quatre autres pays sont allés dans le même sens, la Chine populaire se singularisant toutefois en soulignant « les efforts incessants » de Manille pour promouvoir les droits de l’homme. Mgr Cionini a estimé que « la perpétuation des exécutions extrajudiciaires et des disparitions inexpliquées » était « profondément troublante ». Le représentant du Vatican a recommandé au gouvernement philippin d’assurer « la protection du droit à la vie, de la conception à la mort naturelles », en notant en outre que « des rapports inquiétants faisaient mention de trafics d’êtres humains aux Philippines, des Philippins, hommes, femmes et enfants, en étant victimes, notamment à des fins d’exploitation par le travail ». (eda/md)
Copyright Légende photo : 14 avril 2017, Vendredi Saint : « Marche pénitentielle pour la vie » à Manille, une procession organisée par des catholiques afin de dénoncer les assassinats ciblés commis dans le cadre de la « guerre contre la drogue » décrétée par le président Duterte.
(Source: Eglises d'Asie, le 10 mai 2017)
« Avec cette première étape, la Cour pénale internationale pourra appliquer des sanctions à la hauteur de la violation, continue et visiblement encouragée par le pouvoir, des droits de l’homme dans notre pays », souhaite pour sa part Mgr Arturo Bastes. « Notre espoir est que cette action pèse dans les esprits et conduise tous les membres du gouvernement accusés à finalement décider d’arrêter ces tueries barbares », poursuit l’évêque de Sorsogon.
Une Conférence épiscopale prudente
On peut néanmoins considérer ces deux réactions comme isolées, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) n’ayant pas officiellement réagi, comme elle a pourtant l’habitude de le faire, avec une déclaration publique. Contactés par Eglises d’Asie quelques jours après, n’étaient d’ailleurs disponibles pour commenter l’information ni le président de la CBCP, Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lipa (nord de Manille), ni son vice-président Mgr Romulo Valles, qui n’est autre que l’archevêque de Davao, la ville du président Rodrigo Duterte à Mindanao. L’Eglise des Philippines compte 86 diocèses et archidiocèses.
Coïncidence ou non, il y a quelques semaines, le président de la CBCP rencontrait plusieurs membres du cabinet de Rodrigo Duterte, afin de tenter de pacifier des relations passablement dégradées entre l’Eglise catholique et le président de la République.
En-dehors des deux évêques précités, les rédemptoristes ont eux aussi exprimé publiquement leur soutien à l’action entamée devant la Cour pénale internationale. « Il n’y a aucun signe que le président mettra fin aux tueries, et donc notre espoir, c’est d’y parvenir par des moyens judiciaires, soit en le destituant soit en saisissant la Cour pénale internationale », estime le P. Amado Picardal, de la paroisse rédemptoriste de Baclaran à Manille. Une paroisse qui a été la première à avoir financé intégralement les obsèques de victimes de la guerre antidrogue. « Nous n’avons pas été capables d’arrêter Rodrigo Duterte et ses escadrons de la mort lorsqu’il était maire de Davao, et c’est toujours le cas aujourd’hui », poursuit le prêtre.
Un président sûr de lui et de sa politique
En mars dernier, l’évêque de Sorsogon avait déjà publiquement exprimé son soutien à la procédure de destitution lancée par un député de l’opposition, tout comme celui de Marbel (sud des Philippines), Mgr Dinualdo Gutierrez. Quelques jours auparavant, la Chambre des représentants s’était prononcée en faveur du rétablissement de la peine de mort, suscitant une très forte opposition et mobilisation au sein de l’Eglise catholique philippine.
Fin 2016, face à la pression exercée par les pays occidentaux, Rodrigo Duterte était allé jusqu’à menacer de quitter la CPI, première juridiction pénale internationale permanente. « La CPI est inutile. Les Russes ont choisi de s’en retirer. Je pourrais faire pareil », avait-il déclaré.
En parallèle de la plainte déposée à la CPI, plusieurs membres du gouvernement Duterte se sont déplacés le 8 mai à Genève pour « l’examen périodique universel », l’évaluation de la situation des droits de l’homme à laquelle sont soumis tous les quatre ans chacun des pays membres de l’ONU. Les représentants philippins y ont défendu la guerre antidrogue, malgré les critiques de nombreux pays. Rodrigo Duterte avait un temps menacé de quitter également l’ONU. Mais quelques jours plus tard, devant les médias philippins, des membres du gouvernement avaient rétropédalé.
A Genève, le représentant du Saint-Siège, Monseigneur Mauro Cionini, s’est déclaré en faveur d’un examen « approfondi » des Philippines. Quatre-quatre autres pays sont allés dans le même sens, la Chine populaire se singularisant toutefois en soulignant « les efforts incessants » de Manille pour promouvoir les droits de l’homme. Mgr Cionini a estimé que « la perpétuation des exécutions extrajudiciaires et des disparitions inexpliquées » était « profondément troublante ». Le représentant du Vatican a recommandé au gouvernement philippin d’assurer « la protection du droit à la vie, de la conception à la mort naturelles », en notant en outre que « des rapports inquiétants faisaient mention de trafics d’êtres humains aux Philippines, des Philippins, hommes, femmes et enfants, en étant victimes, notamment à des fins d’exploitation par le travail ». (eda/md)
Copyright Légende photo : 14 avril 2017, Vendredi Saint : « Marche pénitentielle pour la vie » à Manille, une procession organisée par des catholiques afin de dénoncer les assassinats ciblés commis dans le cadre de la « guerre contre la drogue » décrétée par le président Duterte.
(Source: Eglises d'Asie, le 10 mai 2017)