PHILIPPINES: Dans la province d’Abra, les bulletins de vote sont gardés à l’abri des murs de l’évêché de Bangued
Eglises d’Asie, 29 avril 2010 – Le 26 avril, plusieurs camions encadrés par des hommes lourdement armés de la police nationale ont pénétré dans la cour de l’évêché de Bangued, situé dans la province d’Abra, dans le nord de la grande île de Luzon. Le chargement était formé de palettes de bulletins de vote, ceux qui serviront pour les élections générales du 10 mai.
Abra fait partie des dix provinces particulièrement surveillées par la police du fait des armées privées qui y sont entretenues par de grandes familles ou des clans impliqués en politique. La rébellion communiste y est active. Pour ces élections, de manière assez exceptionnelle, aucun des candidats en lice n’a été assassiné (le 10 mai, les 50 millions d’électeurs philippins sont appelés à élire leur président, leur vice-président ainsi qu’une partie du Congrès et 17 600 élus locaux), mais, dans les campagnes autour de Bangued, on rapporte que des hommes en armes circulent et demandent aux villageois pour qui ils voteront. Des membres de différents clans se présentent devant les électeurs pour des postes locaux et nationaux et l’un des candidats est le frère d’un membre du Congrès assassiné en 2006. Des renforts militaires ont été envoyés sur place pour épauler la police mais certains estiment que ces mesures sont insuffisantes et demandent à ce qu’un représentant de la Commission électorale prenne, comme la législation l’autorise, le pouvoir à la place du gouverneur afin d’assurer le bon déroulement des opérations de vote.
C’est dans ce contexte relativement tendu que le superviseur provincial des opérations électorales a demandé à Mgr Leopoldo Jaucian, évêque de Bangued, d’accueillir dans ses murs les bulletins de vote avant leur répartition dans les 340 bureaux de vote qui seront ouverts le 10 mai prochain. L’évêque a immédiatement accepté. « Personne n’oserait attaquer l’évêché pour tenter de détruire les bulletins ou les camions dans lesquels ils sont stockés », explique le P. Drexel Ramos, responsable pour le diocèse des questions touchant à l’organisation de ces élections. Le prêtre ajoute aussi que ni lui ni l’évêque ne peuvent garantir la sécurité des bulletins de vote une fois qu’ils auront franchi le portail de l’évêché.
Pour la première fois, les élections se dérouleront à l’aide de « machine à voter » électronique. Pensé pour atténuer le risque de fraude lors du dépouillement, ces machines font l’objet d’intenses controverses, beaucoup aux Philippines estimant que le pays n’est pas en mesure d’assurer le bon fonctionnement de ces machines le jour J. Les coupures d’électricité, récurrentes, empêcheraient le succès de l’opération. A Bangued, les machines sont arrivées sur place le 28 avril et sont gardées à l’abri des locaux de la Commission électorale. Le P. Ramos souligne que des informations font état d’un nombre trop faible de machines, notamment en cas de vol ou de panne.
Quoiqu’il en soit, la campagne est entrée dans sa dernière ligne droite. Pour la présidentielle, les deux candidats en tête des sondages s’accusent mutuellement des pires vilénies. Un certificat psychiatrique selon lequel Benigno Aquino, fils de l’ancienne présidente Cory Aquino, décédée le 1er août dernier, souffrirait de troubles mentaux a circulé. Le fils Aquino aurait souffert de dépression et de mélancolie lors de ses études à l’Ateneo de Manila, la célèbre université jésuite de Manille. L’université a dû démentir de la manière la plus catégorique, le certificat en question étant un faux. Quant au principal rival d’Aquino, Manuel Villar, il a été victime de la diffusion auprès des médias de documents insinuant que ce self-made man, le plus important promoteur immobilier du pays, ne serait pas issu d’une famille déshéritée comme il l’affirme. Il a vu les intentions de vote en sa faveur chuter dans les sondages alors qu’il était encore il y a peu au coude-à-coude avec Benigno Aquino.
Le 28 avril, les évêques catholiques des Philippines ont publié un communiqué où ils affirment que « les réformes sont urgentes » et où ils demandent des mesures concrètes « pour combattre l’érosion des valeurs morales, la corruption et la pauvreté » (1). Mgr Nereo Odchimar, président de la Conférence épiscopale, qui signe le texte, affirme: « Nous sommes à un moment crucial de transition pour le pays. (…). Il s’agit des élections les plus importantes de ces dernières années. » Notamment parce que ce seront les premières menées avec les machines électroniques à voter (et les analystes locaux n’excluent pas la possibilité d’un échec complet de la procédure électorale). « Le succès de ces élections sera important pour la stabilité économique et politique du pays, tandis que leur échec pourrait causer de plus grandes souffrances à beaucoup », a mis en garde l’évêque, en rappelant la violence qui a caractérisé les précédentes élections. « La nation, continue Mgr Odchimar dans son analyse, traverse une situation critique, causée par l’érosion des valeurs morales et par la large diffusion de la corruption et de la malhonnêteté. »
Une telle situation critique est allée en s’aggravant pour différentes raisons, note le texte: déclin de l’intégrité morale dans beaucoup d’institutions publiques; aggravation des divisions et des insurrections; augmentation de la pauvreté. Pour cela, affirme l’évêque, « le pays a besoin de réformes et de changements. Les élections nous offrent un moyen pour accomplir des pas en avant, forts et décisifs, vers un renouveau qui est urgent, vers des changements que tout le monde désire », en fait « vers l’espérance ». Pour encourager le chemin vers l’avenir, l’Eglise est confiante dans la puissance de la prière: pour cette raison, la Conférence épiscopale invite les fidèles à une neuvaine spéciale de prière en vue des élections, neuvaine qui aura lieu du 1er au 9 mai. On priera dans les églises, dans les associations, dans les écoles et dans les familles pour que les élections soient « entièrement libres, propres, pacifiques et honnêtes ». Les évêques demandent à tous les citoyens d’utiliser leur bulletin de vote et de ne pas penser que « voter ne sert à rien ». « Le vote est un devoir moral, en ce moment crucial. Nous cherchons à être unis dans le sacrifice et dans l’espérance, pour notre peuple et pour notre terre bien aimée », conclut le texte.
Dans un autre texte publié le même jour, le cardinal archevêque de Manille a déploré que les vrais enjeux du pays n’aient pas été abordés durant la campagne électorale, les candidats et la presse dissertant à loisir sur le déroulement technique du vote électronique. Mgr Gaudencio Rosales déplore « une campagne bruyante et confuse ». « C’est une campagne politicienne, ‘Filipino style’, et nous prions pour que nous dépassions ce stade afin de parvenir à la maturité d’un peuple libre », écrit-il.
(1) Fides, 28 avril 2010.
Eglises d’Asie, 29 avril 2010 – Le 26 avril, plusieurs camions encadrés par des hommes lourdement armés de la police nationale ont pénétré dans la cour de l’évêché de Bangued, situé dans la province d’Abra, dans le nord de la grande île de Luzon. Le chargement était formé de palettes de bulletins de vote, ceux qui serviront pour les élections générales du 10 mai.
Abra fait partie des dix provinces particulièrement surveillées par la police du fait des armées privées qui y sont entretenues par de grandes familles ou des clans impliqués en politique. La rébellion communiste y est active. Pour ces élections, de manière assez exceptionnelle, aucun des candidats en lice n’a été assassiné (le 10 mai, les 50 millions d’électeurs philippins sont appelés à élire leur président, leur vice-président ainsi qu’une partie du Congrès et 17 600 élus locaux), mais, dans les campagnes autour de Bangued, on rapporte que des hommes en armes circulent et demandent aux villageois pour qui ils voteront. Des membres de différents clans se présentent devant les électeurs pour des postes locaux et nationaux et l’un des candidats est le frère d’un membre du Congrès assassiné en 2006. Des renforts militaires ont été envoyés sur place pour épauler la police mais certains estiment que ces mesures sont insuffisantes et demandent à ce qu’un représentant de la Commission électorale prenne, comme la législation l’autorise, le pouvoir à la place du gouverneur afin d’assurer le bon déroulement des opérations de vote.
C’est dans ce contexte relativement tendu que le superviseur provincial des opérations électorales a demandé à Mgr Leopoldo Jaucian, évêque de Bangued, d’accueillir dans ses murs les bulletins de vote avant leur répartition dans les 340 bureaux de vote qui seront ouverts le 10 mai prochain. L’évêque a immédiatement accepté. « Personne n’oserait attaquer l’évêché pour tenter de détruire les bulletins ou les camions dans lesquels ils sont stockés », explique le P. Drexel Ramos, responsable pour le diocèse des questions touchant à l’organisation de ces élections. Le prêtre ajoute aussi que ni lui ni l’évêque ne peuvent garantir la sécurité des bulletins de vote une fois qu’ils auront franchi le portail de l’évêché.
Pour la première fois, les élections se dérouleront à l’aide de « machine à voter » électronique. Pensé pour atténuer le risque de fraude lors du dépouillement, ces machines font l’objet d’intenses controverses, beaucoup aux Philippines estimant que le pays n’est pas en mesure d’assurer le bon fonctionnement de ces machines le jour J. Les coupures d’électricité, récurrentes, empêcheraient le succès de l’opération. A Bangued, les machines sont arrivées sur place le 28 avril et sont gardées à l’abri des locaux de la Commission électorale. Le P. Ramos souligne que des informations font état d’un nombre trop faible de machines, notamment en cas de vol ou de panne.
Quoiqu’il en soit, la campagne est entrée dans sa dernière ligne droite. Pour la présidentielle, les deux candidats en tête des sondages s’accusent mutuellement des pires vilénies. Un certificat psychiatrique selon lequel Benigno Aquino, fils de l’ancienne présidente Cory Aquino, décédée le 1er août dernier, souffrirait de troubles mentaux a circulé. Le fils Aquino aurait souffert de dépression et de mélancolie lors de ses études à l’Ateneo de Manila, la célèbre université jésuite de Manille. L’université a dû démentir de la manière la plus catégorique, le certificat en question étant un faux. Quant au principal rival d’Aquino, Manuel Villar, il a été victime de la diffusion auprès des médias de documents insinuant que ce self-made man, le plus important promoteur immobilier du pays, ne serait pas issu d’une famille déshéritée comme il l’affirme. Il a vu les intentions de vote en sa faveur chuter dans les sondages alors qu’il était encore il y a peu au coude-à-coude avec Benigno Aquino.
Le 28 avril, les évêques catholiques des Philippines ont publié un communiqué où ils affirment que « les réformes sont urgentes » et où ils demandent des mesures concrètes « pour combattre l’érosion des valeurs morales, la corruption et la pauvreté » (1). Mgr Nereo Odchimar, président de la Conférence épiscopale, qui signe le texte, affirme: « Nous sommes à un moment crucial de transition pour le pays. (…). Il s’agit des élections les plus importantes de ces dernières années. » Notamment parce que ce seront les premières menées avec les machines électroniques à voter (et les analystes locaux n’excluent pas la possibilité d’un échec complet de la procédure électorale). « Le succès de ces élections sera important pour la stabilité économique et politique du pays, tandis que leur échec pourrait causer de plus grandes souffrances à beaucoup », a mis en garde l’évêque, en rappelant la violence qui a caractérisé les précédentes élections. « La nation, continue Mgr Odchimar dans son analyse, traverse une situation critique, causée par l’érosion des valeurs morales et par la large diffusion de la corruption et de la malhonnêteté. »
Une telle situation critique est allée en s’aggravant pour différentes raisons, note le texte: déclin de l’intégrité morale dans beaucoup d’institutions publiques; aggravation des divisions et des insurrections; augmentation de la pauvreté. Pour cela, affirme l’évêque, « le pays a besoin de réformes et de changements. Les élections nous offrent un moyen pour accomplir des pas en avant, forts et décisifs, vers un renouveau qui est urgent, vers des changements que tout le monde désire », en fait « vers l’espérance ». Pour encourager le chemin vers l’avenir, l’Eglise est confiante dans la puissance de la prière: pour cette raison, la Conférence épiscopale invite les fidèles à une neuvaine spéciale de prière en vue des élections, neuvaine qui aura lieu du 1er au 9 mai. On priera dans les églises, dans les associations, dans les écoles et dans les familles pour que les élections soient « entièrement libres, propres, pacifiques et honnêtes ». Les évêques demandent à tous les citoyens d’utiliser leur bulletin de vote et de ne pas penser que « voter ne sert à rien ». « Le vote est un devoir moral, en ce moment crucial. Nous cherchons à être unis dans le sacrifice et dans l’espérance, pour notre peuple et pour notre terre bien aimée », conclut le texte.
Dans un autre texte publié le même jour, le cardinal archevêque de Manille a déploré que les vrais enjeux du pays n’aient pas été abordés durant la campagne électorale, les candidats et la presse dissertant à loisir sur le déroulement technique du vote électronique. Mgr Gaudencio Rosales déplore « une campagne bruyante et confuse ». « C’est une campagne politicienne, ‘Filipino style’, et nous prions pour que nous dépassions ce stade afin de parvenir à la maturité d’un peuple libre », écrit-il.
(1) Fides, 28 avril 2010.