Rassemblé du 24 au 29 janvier derniers à Manille, le clergé catholique philippin a réfléchi durant cinq jours autour du thème: « Fidélité au Christ, fidélité du prêtre ». Des nombreux échanges, tables rondes et conférences plénières, il est ressorti que les prêtres catholiques des Philippines devaient prendre garde à ne pas se laisser aveugler par le pouvoir que pouvait leur conférer leur position. Veiller à rester missionnaire dans le ministère quotidien doit être une préoccupation centrale pour tous les prêtres, a notamment expliqué Mgr Florentino Lavarias, président de la Commission pour les vocations de la Conférence des évêques catholiques des Philippines.

Après un premier congrès organisé en 2004 (1), c’était la deuxième fois que les évêques philippins réunissaient ainsi leurs prêtres. Pour accueillir quelque 5 500 prêtres (sur les plus de 7 000 que compte l’Eglise catholique aux Philippines), la Conférence épiscopale avait fait les choses en grand: le World Trade Center de Manille avait été loué pour la circonstance et le Cuneta Astrodome, un stade normalement dédié aux compétitions de basket, à Pasay City, dans la banlieue de Manille, avait été choisi pour accueillir la messe de clôture, célébrée dans l’après-midi du 29 janvier. Toutefois, alors que le pays est en campagne pour les élections générales du 10 mai prochain, l’archevêque de la capitale, le cardinal Gaudencio Rosales, avait prévenu à l’avance: le congrès serait interdit aux hommes politiques, l’Eglise n’étant pas désireuse de voir l’événement transformé en forum médiatique au service de la communication de tel ou tel personnalité politique.

C’est donc entre eux que les prêtres des Philippines ont réfléchi à leur ministère, en cette Année sacerdotale proclamée par le pape Benoît XVI. Venu de Rome, le capucin Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale, a succédé au micro à Mgr Antonio Tagle, théologien et évêque du diocèse d’Imus, ainsi qu’à d’autres prédicateurs et personnalités, telles Maria Voce, présidente du mouvement Focolari.

Mgr Tagle avait choisi d’axer son propos sur la nécessaire humilité que devait revêtir le sacerdoce ministériel aux Philippines. La haute estime dans laquelle les Philippins tiennent leurs prêtres et leurs évêques pose une difficulté particulière à ceux-ci: trop souvent, l’exercice du sacerdoce entraîne chez eux un penchant à l’arrogance et à l’abus de pouvoir, a notamment expliqué l’évêque philippin dans une session à huis clos. Pour le P. Romulo Ponte, curé de paroisse à San Pablo City, ville située au sud-est de Manille, sur l’île de Luzon, le propos vise juste. « Il est très facile de se laisser aller lorsque l’on est prêtre aux Philippines », explique-t-il, notamment là où les catholiques sont très majoritaires, au centre et au nord du pays. Les prêtres sont invités à toutes sortes de festivités mondaines; s’il y a une file d’attente quelque part, on les fait passer devant; ils sont sollicités pour prendre la parole, y compris sur des sujets où ils n’ont aucune compétence; bref, ils peuvent rapidement se comporter comme des enfants gâtés, poursuit le prêtre.

Pour Mgr Joel Baylon, aujourd’hui évêque de Legazpi, mais auparavant posté à Masbate, île du centre du pays où les armées privées sont un réel problème, le clergé est généralement considéré comme détenant un grand pouvoir. « Les gens qui sont menacés par les armées privées des politiciens locaux se placent sous la protection des prêtres. Lorsque quelqu’un veut obtenir un poste dans l’administration ou un avantage quelconque, bien souvent, il se tourne vers l’évêque pour demander une recommandation, témoigne l’évêque. L’Eglise est perçue comme puissante car il serait suicidaire pour un politicien de s’en prendre physiquement à un prêtre; de plus, les gens voient que nous sommes invités par les politiques. »

Quant au P. Cantalamessa, son propos était centré sur la prêtrise comprise comme une « Pentecôte pérenne » dans laquelle le prêtre vit à l’imitation du Christ dans toutes les dimensions de son existence. A propos du célibat, le prédicateur a souligné combien celui-ci devait être compris « comme un don et non comme un fardeau ». Mgr Florentino Lavarias a rapporté à l’agence Ucanews (2) que les échanges entre prêtres après l’intervention du P. Cantalamessa avaient pris « un caractère émotionnel » tandis que certains partageaient à haute voix au sujet « de leur manque de fidélité au Christ dans leur ministère, tout en reconnaissant que Jésus, lui, ne les abandonnait jamais ».

A l’issue du congrès, les prêtres ont adopté un plan d’action pour « dédier à nouveau leur ministère au service des pauvres », en s’engageant à être attentif à ne pas exploiter leur position dans la société ou l’Eglise. Au cours des échanges, certains ont mis en avant les initiatives de certains diocèses, notamment dans le sud philippin, où l’évêque prend soin de réunir régulièrement ses prêtres pour être avec eux et partager un repas, un temps récréatif ou social. La Conférence épiscopale a rappelé qu’elle avait mis sur pied Assist, programme de formation continue, notamment orienté pour aider les prêtres « en situation difficile » – dont la question du respect du célibat (3).

(1) Voir EDA 401
(2) Ucanews, 1er février 2010.
(3) En 2000, Mgr Oscar Cruz, vicaire judiciaire national, a créé un bureau spécial afin d’aider les diocèses qui sont amenés à prononcer des dispenses pour des prêtres qui se trouvent avoir charge de famille ou sont engagés dans une relation avec une femme. Quelque 200 cas ont été soumis à ce bureau depuis sa création.

(Source: Eglises d'Asie, 2 février 2010)