L’Instrumentum laboris, le document de travail, du Synode sur la famille qui se tiendra à Rome du 4 au 25 octobre prochains vient d’être publié. Ce texte a été élaboré après une nouvelle phase de consultation des épiscopats du monde entier, consultation lancée à la suite de celle qui avait été menée en préparation à la première session du synode consacré à la famille (15-19 octobre 2014).

Comment l’Eglise doit-elle se situer face aux évolutions qui affectent la famille dans les sociétés contemporaines ? Nous publions ci-dessous des extraits des réponses que les catholiques du diocèse de Hongkong ont rédigées au questionnaire préparatoire à cette 14ème Assemblée générale ordinaire du synode des évêques.

A partir des 181 contributions renvoyées au questionnaire romain (1), un comité de travail ad hoc a élaboré les réponses ci-dessous. Approuvées par la curie diocésaine, ces réponses ont été publiées le 30 mai 2015 par le Hong Kong Sunday Examiner, l’hebdomadaire du diocèse. La traduction est de la Rédaction d’Eglises d’Asie.

1.) La paroisse est encore considérée comme le lieu principal dont découle un ensemble de propositions de formation et de services pastoraux pour toute la famille, dont l’éveil à la foi du dimanche, les activités pour les enfants en fonction de leur âge, la pastorale des jeunes, la formation des responsables spirituels pour mener des groupes de réflexion ou bien encore le fait d’inciter les membres de la famille au sens élargi du terme à venir assister à la messe.

2.) Pour réveiller l’attention à la présence de Dieu dans les familles catholiques, toutes les contributions soulignent l’importance d’encourager la spiritualité et la catéchèse des familles.

3.) S’agissant du mariage et de la famille, la compréhension de l’anthropologie de ces réalités du point de vue philosophique, biblique et théologique manque un peu de profondeur, ce qui laisse le champ libre aux interprétations relativistes et utilitaristes à la mode. Les études sur le genre sont aujourd’hui partout dans les cursus académiques et influent sur l’attitude des jeunes générations à l’égard de la sexualité, de l’amour humain, du mariage, de la famille et de la procréation.

4.) Afin de venir en aide aux familles les plus éprouvées, nombre de contributeurs suggèrent de placer la pastorale familiale et conjugale en tête des priorités ecclésiales. Une écrasante majorité considère que l’aide directe et concrète à l’égard de ces familles est la meilleure façon de leur venir en aide. Certains proposent de renforcer la coopération entre les paroisses et la Caritas Hongkong afin que les paroissiens qui rencontrent des difficultés familiales soient identifiés et pris en charge le plus tôt possible.

5.) Afin d’éviter que les familles ne tombent dans des situations extrêmes, une majorité de contributeurs encourage l’Eglise à renforcer la formation catéchétique des familles à travers les programmes scolaires mais aussi des cours de catéchisme et de doctrine organisés par les paroisses et les différents mouvements d’Eglise. Soutenir la famille permet de renforcer la vie spirituelle de chacun ainsi que les liens de la famille et du mariage. Cela peut être porté par des groupes de pastorale familiale qui offrirait des séminaires chrétiens de parentalité et de chasteté conjugale. Certains contributeurs souhaiteraient que l’Eglise manifeste plus clairement son opposition à certaines nouveautés législatives et certaines politiques gouvernementales qui mettent en danger enfants et familles.

6.) Plus de 90 % des réponses considère que l’évangélisation de la famille par la prédication et l’enseignement du plan divin sur la vie et l’amour humain est un moyen efficace de renforcer les familles de croyants et tous ceux qui sont unis par les liens du mariage.

7.) Les réponses soulignent l’importance pour les prêtres de recevoir une formation solide et continue sur l’accompagnement pastoral des couples et des familles. Ce n’est que de cette manière qu’ils pourront aider les familles chrétiennes à témoigner d’une vie mature sur les plans émotionnel et affectif.

8.) Les parents sont reconnus comme les personnes les mieux à même de transmettre aux jeunes générations les valeurs de la famille et de la spiritualité chrétienne. Ceci grâce à la prière et à la pratique des vertus dans la vie quotidienne familiale.

9.) S’agissant de l’accueil que les jeunes réservent aux propositions de l’Eglise, deux tendances opposées peuvent être analysées ; d’un côté, une réaction positive et enthousiaste de la part des jeunes investis dans la paroisse ou membres d’un mouvement d’Eglise, attitude d’autant plus affirmée que ces jeunes sont suivis spirituellement. La théologie du corps est souvent bien reçue par ces jeunes. Malheureusement, ils ne forment qu’une minorité. De l’autre côté, les jeunes plus loin de l’Eglise subissent l’influence délétère et la recherche de plaisirs du monde sécularisé, et de ce fait ils réagissent d’une manière passive et souvent négative aux propositions de l’Eglise. Leur manque de fondation spirituelle et de formation catéchétique les empêche d’adhérer à la Parole du vrai Dieu.

10.) De nombreux fidèles avouent leur difficulté à mettre en pratique les enseignements de la Bible en raison de leur manque de formation dans l’étude des textes. Certains observent que le temps de préparation au mariage est un temps privilégié pour rencontrer le Christ à travers sa Parole. D’autres pensent que les prêtres, du fait de leur formation, devraient davantage révéler les trésors de la Bible dans leurs homélies. Comme pasteurs des âmes, il est de la responsabilité des prêtres d’aider les familles à grandir dans la foi en les formant à la lecture de la Bible et au partage de groupe.

11.) A propos de l’importance d’entretenir une vraie relation avec Dieu comme facteur d’aide pour les couples qui traversent des difficultés voire des épreuves conjugales, la majorité des réponses disent que le maintien d’une relation intime avec Dieu est rendue possible par l’appartenance à des mouvements catholiques ou à une participation active à la vie communautaire. A travers la rencontre et le partage avec d’autres fidèles, ils expérimentent la présence et l’action de Dieu dans leurs tentatives pour surmonter leurs propres faiblesses dans la vie conjugale. Les couples en difficulté peuvent sentir la proximité de Dieu à l’occasion des groupes d’étude et de partage autour de la Bible, des témoignages de vie ou des homélies dominicales.

12.) La plupart de contributeurs ne réalisent pas que le sacrement du mariage confère aux couples chrétiens une vocation, une mission et un nouvel état de vie qui leur permet de devenir un signe vivant de l’union du Christ et de l’Eglise dans le monde.

13.) Un peu plus de la moitié des réponses manifeste que la vie spirituelle familiale gagnerait à être développée par un soutien plus explicite à l’expérience de foi vécue au sein de la famille, les parents devant jouer ici un rôle de modèle et de moteur dans cette pratique. Il est toutefois regrettable que de nombreux parents ignorent cet aspect de leur rôle et n’y soient pas préparés.

14.) S’agissant des enseignements de l’Eglise sur la famille, la plupart des réponses mettent l’accent sur la nécessité d’être vigilant quant à la qualité des matériaux proposés en catéchèse ou à l’école du dimanche. De même, ils soulignent la nécessité de recruter des catéchistes et des enseignants convaincus, bien formés et fidèles à l’enseignement du magistère pour enseigner la foi catholique et la morale chrétienne. On peut noter ici qu’aucune réponse ne fait état du besoin de transmettre la vision catholique de l’amour et de la sexualité.

15.) Près de la moitié des contributeurs considèrent qu’une attitude bienveillante et respectueuse de la part de la communauté chrétienne encouragera les couples en situation irrégulière à réfléchir et apprécier la beauté du mariage chrétien. Vis-à-vis de ces couples qui sont déjà adultes, la beauté du mariage chrétien ne doit pas être enseignée mais témoignée, notamment par la rencontre et l’amitié de couples qui vivent de leur sacrement de mariage.

16.) Afin de mettre en avant la vocation et la mission de la famille, la formation catéchétique et spirituelle des fiancés est indispensable au cours de la préparation au mariage. La signification du sacrement de mariage et le sens de la vie familiale chrétienne doivent être clairement exposés et éclairés par des témoignages de couples chrétiens. Il apparaît aussi que les couples où l’un des conjoints n’est pas catholique ou baptisé doivent faire l’objet d’une attention pastorale particulière.

17.) La « simplification » ou la « rationalisation » des procédures judiciaires relatives au mariage doit être maniées avec prudence. Ces mesures ne sauraient concerner le contenu de ces procédures. Ainsi, il est évident que le principe ancien de « la double sentence concordante » pour obtenir la reconnaissance de nullité d’un mariage ne saurait être abandonné (comme le suggèrent certains pasteurs) au profit d’une seule sentence positive. La recherche de la vérité ne peut pas être compromise au profit de la notion de « preuves objectives suffisantes » mises en avant au nom de la sollicitude pastorale à l’égard de ceux qui souhaitent régulariser leur situation matrimoniale. En revanche, il pourrait être utile pastoralement que des informations sur les règles canoniques du mariage ainsi que sur les procédures de reconnaissance de nullité soient accessibles à tous sur le site du diocèse.

18.) Le diocèse a traité au cours des dernières années de plus en plus de situations matrimoniales qui concernaient le privilège de la foi (« dissolution du mariage en faveur de la foi ») qui repose sur « le pouvoir des clés » du souverain pontife. Le diocèse propose humblement que ce pouvoir soit délégué aux évêques diocésains afin de traiter plus rapidement ces situations pour le bien spirituel des personnes.

19.) Durant le synode de 2014, aucun père synodal n’a proposé de modifier la doctrine sur l’unité et l’indissolubilité du mariage. Ceux qui envisagent une réadmission des divorcés remariés dans la communion de l’Eglise et ainsi dans la réception des sacrements plaident pour l’adoption d’une pratique pastorale différente que celle que nous connaissons aujourd’hui dans l’administration des sacrements. Il leur revient donc de démontrer comment cette nouvelle pratique peut s’articuler avec la doctrine de l’unité et de l’indissolubilité du mariage. Ils devront faire ressortir quels sont les éléments particuliers permettant de résoudre l’irrégularité des situations.

20.) En accord avec l’enseignement de l’Eglise (par exemple le catéchisme de l’Eglise catholique), de nombreux contributeurs insistent sur l’attitude d’accueil vis-à-vis des personnes ayant une tendance homosexuelle, et recommandent qu’elles soient respectées et aimées au nom de leur dignité inaliénable d’enfants de Dieu. Dans le même temps, ils sont aussi nombreux à rejeter l’homosexualité en acte et à prôner la pratique de la chasteté. En ayant conscience que les réponses à cette question doivent être ajustées au regard des différentes sensibilités culturelles, les contributeurs expriment l’idée que les chrétiens devraient toujours traiter les personnes homosexuelles avec amour, sollicitude et compréhension, nonobstant le caractère moralement inacceptable des actes homosexuels.

21.) Beaucoup de réponses contiennent un message clair quant à l’aspect prophétique des enseignements d’Humanae Vitae sur la parentalité naturelle et sur son insuffisante promotion au sein du diocèse. Il y a un appel pressant pour davantage d’enseignements, conférences et témoignages en faveur des méthodes de régulation naturelle des naissances, des dangers de la mentalité contraceptive et de la vocation à la parentalité.

22.) Environ 45 % des réponses considèrent qu’il n’y a pas suffisamment de solidarité et de soutien pour la maternité et la paternité de la part de la communauté chrétienne. Seulement un quart d’entre elles s’accordent pour reconnaître qu’un tel soutien existe.

23.) La majorité (95 %) des contributeurs reconnaissent l’importance de proposer un soutien pour les parents adoptifs ou d’accueil et de les aider pastoralement.

24.) Un peu plus de la moitié des réponses tiennent pour acquis que la vocation à la maternité et la paternité est bien abordée dans la catéchèse. La question de savoir si elle est suffisamment mise en lumière dépend beaucoup de la qualité des matériaux catéchétiques.

25.) Un grand nombre de contributeurs reconnaissent qu’en tant que parents, ils peuvent trouver aide et soutien auprès de la communauté chrétienne pour leur mission d’éducation à travers les activités paroissiales : groupes de familles, école du dimanche, et l’enseignement catholique. Environ un tiers des réponses réclament davantage de soutien en termes de réseau familial et de groupe de familles. Certains préfèrent utiliser les nouveaux médias tels que Facebook, comme moyen d’échanges entre parents catholiques. Ces parents recherchent un soutien plus concret dans leur formation spirituelle et de parentalité. Un petit nombre de contributeurs rapporte qu’ils n’ont reçu aucune aide dans leur mission d’éducation de la part de la communauté d’Eglise. (eda/ra)

(1) Les 181 réponses au questionnaire envoyé par Rome en amont du synode à venir se répartissent ainsi :
- Membres de la curie : 4
- Prêtres diocésains : 5
- Diacres permanents : 4
- Communautés religieuses / sociétés de vie apostolique / Prélatures personnelles : 4
- Laïcs engagés dans la pastorale de la santé : 15
- Associations de fidèles : 10
- Particuliers / familles : 139


(Source: Eglises d'Asie, le 3 juillet 2015)