Un faire-part de l’archevêché de Hanoi, diffusé sur Internet le jour même, a annoncé le décès, dans sa 90e année, du cardinal Paul-Joseph Pham Dinh Phung. L’ancien archevêque de la capitale s’est éteint dans la matinée du 22 février 2009, à 10 h10. Dans l'après-midi, à 17 heures, toutes les cloches des églises de la capitale ont sonné le tocsin. Les funérailles auront lieu à la cathédrale de Hanoi, le jeudi 26 février, à 9 heures.

« Sa vie est représentative de notre histoire », titrait l'an dernier une revue vietnamienne (1). Comme les prêtres et laïcs catholiques du Vietnam du Nord de sa génération, il a vécu la longue passion et la résurrection progressive de la communauté catholique dans la deuxième moitié du XXe siècle. Il était originaire de la paroisse de Quang Nao dans le diocèse de Phat Diêm, province de Ninh Binh. C'est là qu'il était né le 20 mai 1919 d'une famille chrétienne depuis plusieurs générations. Après de premières études à l'école de son village, il est remarqué par un prêtre vietnamien qui le conduit à Hanoi pour y poursuivre sa formation. En 1931, il est au petit séminaire de Hoang Nguyên, Hà Tây. Il rentre en 1940 au grand séminaire Saint Sulpice de Hanoi. Il y poursuit ses études de philosophie et de théologie, entrecoupées d’un stage pastoral dans une paroisse du diocèse.

En 1945, lorsqu' éclatent, au mois d'août, la révolution et les troubles qui s'ensuivent, il n'a pas encore terminé sa formation. Bientôt le grand séminaire est obligé de fermer ses portes. Paul Pham Dinh Phung est alors livré à lui-même jusqu'en 1948, date à laquelle l'ordre social est rétabli. Il réintègre alors le grand séminaire installé dans les lieux où il est aujourd'hui au 40 de la rue Nha Chung. Il y termine ses études. Comme ses confrères, il va chaque jour suivre des cours de théologie au scolasticat des rédemptoristes à Thai Hà, dans la paroisse aujourd'hui connue du monde entier. En 1949, il est ordonné prêtre en la cathédrale de Hanoi et nommé à l'orphelinat de Sainte-Thérèse dirigé alors par le P. Paul Seitz, futur évêque de Kontum. En 1950, il assure les fonctions de vicaire à la paroisse de Hàm Long à Hanoi. Il y fonde le foyer de Bach Mai destiné à accueillir les migrants qui fuient la guerre sévissant aux alentours et viennent se réfugier à la capitale.

Un nouveau bouleversement historique se produit au Vietnam, en 1954 avec la division du pays en deux parties, séparées par le 17e parallèle. Le gouvernement communiste s'apprête à s'installer à Hanoi et un grand exode vide les diocèses du Nord d'une partie de leurs prêtres et de leurs fidèles. Le P.Paul Pham Dinh Tung reste à Hanoi. En 1955, il prend la direction du petit séminaire Saint-Jean qui accueille encore, malgré l'époque, quelque 200 séminaristes provenant de tous les diocèses du Nord. En 1960, il défend l'indépendance et l'autonomie de l'institution qu'il dirige et refuse d'accueillir les instructeurs envoyés par le gouvernement pour dispenser aux séminaristes un enseignement politique orienté. Il est alors obligé de mettre un terme à l'existence de cette maison de formation.

En 1963, le Saint-Siège le nomme évêque de Bac Ninh. Il est consacré à Hanoi le 15 août 1963. Le nouvel évêque a pris comme devise « Je crois à l'amour de Dieu ». Un immense travail l'attend dans son diocèse ravagé par la guerre, démuni de tout et souffrant des contrôles incessants et des persécutions des autorités locales. Mgr Tung prend un certain nombre d'initiatives pastorales originales destinées à préserver la foi, àencourager les chrétiens, à sauvegarder et à édifier l'Eglise. Dans la discrétion et le secret, il forme et ensuite ordonne prêtres, un certain nombre de jeunes gens qu'il estime capables. Il fonde même une congrégation religieuse féminine. En 1990, le siège de l'archidiocèse de Hanoi est vacant et il en est nommé administrateur apostolique. Il sera nommé archevêque en titre quatre ans plus tard, le 13 avril 1994. Le 26 novembre de la même année, le Souverain pontife le fait accéder à la dignité de cardinal, comme deux de ses prédécesseurs.

En plus de ses charges d'archevêque de Hanoi, il assume aussi diverses fonctions au service de son diocèse et de l'Eglise du Vietnam: directeur du grand séminaire (1990-2003), administrateur apostolique du diocèse frontalier de Lang Son (1998-1999), président de la Conférence épiscopale du Vietnam (1995-2001). Il s'est particulièrement investi dans sa tâche de directeur du séminaire, dialoguant avec les autorités pour que l'Eglise puisse garder son indépendance et son autonomie dans le recrutement des candidats au sacerdoce, pour que les prêtres ordonnés clandestinement puissent exercer ouvertement leur ministère. Il a beaucoup œuvré pour faire exister et intensifier les relations entre le gouvernement vietnamien et le Saint-Siège, en vue du bien de l'Eglise qu'il défendait avec ferveur. C'est lui qui, le premier, a fait lire dans les églises de la capitale une protestation contre l'accaparement par l'Etat de l'ancienne Délégation apostolique (2).

Il avait déjà 84 ans en 2003 lorsque le Saint-Siège a accepté sa démission et nommé son successeur, Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt. En mars 2006, il tomba gravement malade. Pendant ses dernières années, il a continué de recevoir de nombreux visiteurs et de se préoccuper des problèmes de l'Eglise et de la société vietnamienne.

Le cardinal Pham Dinh Phung qui aura été un des témoins les plus illustres de l'histoire et de la persévérance de la communauté catholique au Nord Vietnam dans des temps tourmentés, était un homme simple cultivant les vertus fondamentales du christianisme. Après 1975, à un prêtre vietnamien vivant à l'étranger qui lui demandait ce que les catholiques vietnamiens de la diaspora pouvaient faire pour aider le Vietnam, il avait répondu simplement: « Soyez de bons chrétiens ! ».

(1) La plupart des informations de cet article proviennent de l’agence VietCatholic News, 24 Janvier 2008.

(2) Le cardinal Paul-Joseph Pham Dingh Tung était également membre honoraire de la Société des Missions Etrangères de Paris (MEP).

(Source: Eglises d'Asie, 23 février 2009)