Bras de fer entre Hanoï et les catholiques vietnamiens

22/09/2008 11:41 - Les catholiques vietnamiens réclament la restitution de terrains saisis par les communistes. Les autorités de Hanoï ont haussé le ton et lancé un avertissement formel à l'archevêque de la capitale

Des catholiques vietnamiens assistent à la messe dominicale en dehors de la cathédrale de Hanoï, bondée, dimanche 21 septembre (Suzuki/AP).

L'avertissement est sévère. Le président du comité populaire de Hanoï a ordonné à Mgr Joseph Ngo Quang Kiet d'"arrêter immédiatement les activités qui violent la loi".

Cité par le quotidien de la "police du peuple", Cong An Nhan Dan, le maire de la capitale demande à l'archevêque de "prendre ses responsabilités pour demander aux dignitaires et aux fidèles catholiques de respecter la loi" et ne pas "organiser d'activités religieuses illégales". Il lui interdit "d'organiser des activités (...) de propagande" diffamante, selon lui.

L'Eglise dénonce un acte "illégal"

Ces déclarations surviennent à la suite d'un week-end tendu entre autorités vietnamiennes et catholiques de Hanoï. Par centaines, ces derniers se sont relayés pour prier, à l'issue des messes célébrées samedi et dimanche, devant les barrages de police qui bloquaient l'accès à un terrain revendiqué par l'Eglise: le site de l'ancienne Délégation apostolique, sur lequel des travaux ont démarré la semaine dernière en vue de construire un jardin publique.

Situé en plein coeur touristique de la capitale, près de la cathédrale, ce terrain est l'un des plus symboliques de ceux que revendique l'Eglise - celle-ci est engagée dans un bras de fer avec le régime pour récupérer des terrains abandonnés aux communistes après le départ des colonisateurs français en 1954.

Selon l'agence vietnamienne d'information (AVI, officielle), le président du comité populaire de Hanoï, Nguyen The Thao, a expliqué samedi que les revendications de l'Eglise étaient infondées, affirmant qu'elle avait elle-même cédé le terrain à l'Etat dans les années 60.

L'archevêque sous le feu des critiques de la presse

Plusieurs quotidiens vietnamiens tiraient eux aussi à boulets rouges lundi sur Mgr Ngo Quang Kiet. An Ninh Thu Do, le quotidien des forces de sécurité de la capitale, lui reprochant d'avoir "délibérément sapé la grande unité nationale". "L'archevêque Ngo Quang Kiet doit porter la principale responsabilité des informations qui ont déformé la vérité, calomnié et humilié les autorités", estime le quotidien. "C'est un comportement qui viole sérieusement les lois et doit être dûment puni selon la loi".

Cong An Nhan Dan, de son côté, accuse "certains dignitaires catholiques" d'avoir "politisé" l'affaire de l'ancienne délégation, contre "les intérêts nationaux". "Notre Etat respecte toujours la liberté religieuse de ses citoyens, mais cette liberté doit s'exercer dans le cadre de la loi", poursuit le journal.

Dans un communiqué envoyé vendredi 19 septembre au président et au premier ministre vietnamiens, Mgr Ngo Quang Kiet a dénoncé pour sa part la campagne de désinformation engagée contre l'Eglise et prévenu que les catholiques ne lâcheraient pas prise, qualifiant le lancement du chantier d'"acte illégal".

Il a également rappelé que les gouvernements précédents avaient promis de restituer au diocèse le terrain, une promesse réitérée auprès du Saint-Siège. "C’est une action qui va à rebours de la ligne du dialogue que le gouvernement et l’archevêché étaient en train de suivre. C’est une action qui méprise les aspirations de la communauté catholique, tient la loi pour inexistante et se moque de la présence de l’Eglise catholique au Vietnam. C’est aussi une action qui foule aux pieds la morale, la conscience de tous les hommes à l’égard d’une religion reconnue par l’Etat", pouvait-on lire.

En février dernier, la promesse de restitution du bâtiment qui accueillait autrefois la Délégation apostolique avait nourri de sérieux espoirs de dialogue. La situation de l’Église catholique du Vietnam est suivie avec beaucoup d’attention par le Saint-Siège, qui espère normaliser ses rapports avec le régime communiste de ce pays et obtenir des garanties pour la communauté catholique en matière de liberté religieuse.