Pour la première fois au Vietnam, le 10 novembre dernier, à l’issue d’un procès qui a duré une demi-journée, deux adeptes du Falungong ont été condamnés à des peines de prison. Selon les déclarations de leur avocat, Me Trân Dinh Triên, à l’Agence France-Presse, les deux membres du mouvement, Vu Duc Trung, 31 ans, directeur d’une entreprise high-tech, et son beau-frère, Le Van Thanh, 36 ans, ont été condamnés respectivement à trois ans...

... et à deux ans de prison ferme pour diffusion illégale d’information sur un réseau de télécommunications. Ils étaient accusés d’avoir participé à des émissions radiophoniques sur ondes courtes à destination de la Chine, intitulées « La Voix de l’espérance ». Ces émissions, qui avaient débuté en 2009, traitaient généralement des violations des droits de l’homme, de la corruption, et de la persécution du Falungong en Chine (1).

Les deux hommes avaient été mis en garde à vue en juin 2010. Un premier procès avait été prévu au mois d’avril 2011. Il avait été reporté à une date ultérieure en raison des pressions internationales qui, selon le centre d’information du Falungong, s’étaient exercées sur les autorités vietnamiennes à cette époque. La nouvelle date des débats du tribunal avait été ensuite fixée au 6 octobre suivant. Il a fallu cependant attendre le 10 novembre pour que le procès puisse enfin avoir lieu dans une très grande discrétion. Jusqu’à, présent, semble-t-il, la presse officielle n’en a pas fait mention. En revanche, les agences de presse internationales ainsi que les sites et les blogs indépendants, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ont aussitôt diffusé les déclarations de l’avocat des deux adeptes du Falungong.

Contrairement à la Chine où le mouvement Falungong est officiellement considéré comme une « secte illégale et nuisible », aucune disposition de la législation vietnamienne ne s’oppose, en principe, à son existence et à ses activités. Mais depuis plus d’un an, la surveillance et la répression des membres de la secte se sont intensifiées. A Hanoi comme à Saigon, des séances de méditation collective des adhérents du mouvement ont été dispersées, parfois brutalement, par les forces de l’ordre. Selon un document publié par le centre de documentation du Falungong, cette répression accrue « est directement liée à la pression exercée par le Parti communiste chinois sur les autorités vietnamiennes » (2). Ce même texte affirme que les deux hommes jugés le 10 novembre ont été arrêtés par la Sécurité vietnamienne à la suite d’une note diplomatique adressée par l’ambassade de Chine au ministre vietnamien de la Sécurité. La note dénonçait les émissions de « La Voix de l’espérance » diffusées depuis le Vietnam vers la Chine et recommandait de neutraliser les activités du Falungong au Vietnam.

Dans les jours qui ont précédé le procès, le Falungong a multiplié les séances de méditation collective et la Sécurité vietnamienne a accentué sa pression. A deux jours du procès, le 8 novembre, la police de Hanoi a frappé et arrêté une trentaine de disciples du Falungong, alors que ceux-ci protestaient silencieusement et pacifiquement sur le trottoir bordant l’ambassade de Chine populaire à Hanoi. Ils protestaient contre le procès prévu pour le surlendemain. Un communiqué publié par Amnesty International, le 9 novembre, a qualifié cette intervention policière de « violation des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique » (3).

Selon des sources propres au mouvement Falungong, recueillies par Amnesty International, les policiers auraient d’abord aspergé d’eau les manifestants. Ceux-ci n’ayant pas bougé, ils les ont alors roués de coups de pieds et amenés de force dans des véhicules de la police. Les manifestants arrêtés ont été, semble-t-il, conduit dans un stade de Hanoi puis dispersés dans divers centres de détention de la capitale.

(1) Après avoir été un temps encouragé par les autorités chinoises, au même titre que bon nombre de groupes de qi gong, le Falungong est devenu la cible d’une répression impitoyable en Chine populaire depuis qu’en 1999, le mouvement a pris au dépourvu le gouvernement en organisant une grande démonstration pacifique à Pékin, à l’extérieur des murs qui abritent la haute direction du Parti communiste. La réaction du gouvernement a été de classer le Falungong parmi les « religions hétérodoxes » (xiejiao, dont la traduction officielle du gouvernement est « culte malfaisant ») et de lancer un ensemble de mesures très musclées. Ces mesures ont conduit à une nouvelle extension de l’appareil de sécurité nationale, notamment à la création du Bureau « 610 » (ainsi désigné, parce que reprenant les chiffres de la date de sa création, le 10 juin 1999). Cette police secrète court-circuite le système judiciaire pénal normal en ne rendant compte directement qu’à la direction du Parti. Elle coordonne la recherche d’informations, les arrestations, les poursuites et les incarcérations, souvent sans même l’excuse d’un examen judiciaire. Elle a des unités qui pénètrent dans tous les échelons de la société. Bien qu’à l’origine, elle ait été crée pour détruire un « culte malfaisant », elle a maintenant étendu son pouvoir aux dissidents politiques et aux autres manifestations qui menaceraient la suprématie du Parti. Cette organisation a été il y a peu rebaptisée « Bureau de la Sécurité d’une Société harmonieuse ».
(2) Voir à l’adresse : http://fr.infofalungong.net/content/view/449/1/
(3) On peut trouver le communiqué à l’adresse suivante : http://www.amnesty.org/en/news/viet-nam-falun-gong-practitioners-detained-over-meditation-protest-2011-11-09

(Source: Eglises d'Asie, 14 novembre 2011)