HANOI - Un célèbre prêtre dissident vietnamien, à qui l'on a diagnostiqué une tumeur au cerveau, est sorti de prison lundi pour suivre pendant un an des traitements médicaux, traitements à l'issue desquels il devra, affirme-t-il mardi, retourner derrière les barreaux.

Le père Nguyen Van Ly, 62 ans, a eu trois attaques cérébrales l'an dernier selon sa famille. Les médecins ont diagnostiqué la tumeur au cerveau, de deux centimètres, il y a quatre mois, indique-t-il lui-même.

"Ce n'est pas une libération", a affirmé à l'AFP le prêtre, condamné en 2007 à huit ans de prison pour propagande contre le régime communiste vietnamien.

"Les autorités suspendent temporairement ma peine de prison pour que je puisse me faire soigner", a-t-il ajouté, joint par téléphone dans sa maison familiale de Hué (centre). "Après mon traitement médical, je retournerai en prison".

Après 12 mois, sa famille pourra cependant demander une nouvelle suspension de peine si sa santé continue de se dégrader, a encore dit le prêtre, qui reste en attendant en résidence surveillée.

En voyant "mon état de santé s'aggraver, (les autorités) ont voulu que ma famille s'occupe de moi et soit responsable", a poursuivi le père Ly. "J'ai encore mal dans mon bras et mon pied droits", a-t-il encore indiqué, précisant toutefois que ses membres étaient "moins paralysés" qu'après ses attaques.

En 2007, Nguyen Van Ly avait notamment été accusé d'être à l'origine du "bloc 8406", un mouvement pro-démocratie né le 8 avril 2006 et appelant au multipartisme. Le Parti communiste exerce un pouvoir sans partage au Vietnam.

Dès l'ouverture de son procès, le prêtre, qui avait déjà passé 14 années en détention, avait défié la cour. Il avait dénoncé une "loi de la jungle", avant qu'un policier ne lui recouvre la bouche. Les juges avaient bouclé les débats et rendu leur verdict en trois heures et demi.

Depuis, des élus américains avaient appelé à sa libération. Le Parlement européen, qui le qualifie de "prisonnier de conscience", avait déploré qu'il ne puisse pas bénéficier de soins médicaux adéquats en prison.

Mardi, Reporters sans frontières s'est félicité que "les autorités (aient) enfin fait preuve d'un minimum de compassion" à son égard. Mais l'organisation de défense des médias basée à Paris a exhorté Hanoï à "renoncer définitivement à l'idée de le renvoyer en prison". Nguyen Van Ly est aussi responsable d'une publication dissidente.

En décembre, la soeur du père, Nguyen Thi Hieu, avait indiqué que son frère, qui était détenu dans le nord du pays, avait déjà été hospitalisé pendant près d'un mois.

Depuis plusieurs mois, la famille du dissident tirait la sonnette d'alarme sur sa santé. Mais en août, Hanoï avait refusé de l'inclure dans une liste de plus de 5.000 amnistiés, expliquant que la mesure de clémence n'était accordée "qu'aux personnes ayant fait des progrès dans leur rééducation".

Human rights watch a aussi salué mardi la sortie de prison du prêtre, mais jugé qu'il n'aurait, à l'origine, pas dû être envoyé en prison.

Dénombrant au Vietnam "plus de 400 prisonniers de conscience", détenus pour "avoir simplement essayé de pratiquer leur religion ou appelé à des réformes pacifiques", l'organisation basée à New York a dénoncé le dossier encore "déplorable en matière de droits de l'Homme" de Hanoï.

Le Vietnam rejette systématiquement les accusations de violation des droits de l'Homme portées contre lui.

(Source: AFP / 16 mars 2010, http://www.romandie.com/ats/news/100316081819.6350b5bx.asp)