L'archevêque de Hanoi "de facto" assigné à résidence

Hanoi, 3 octobre 2008 (Apic) Le conflit autour des propriétés de l'Eglise catholique confisquées par le régime communiste au Vietnam, qui dure depuis bientôt un an, devient de plus en plus aigu. Selon l'agence d'information "Vietcatholic News", l'archevêque de Hanoi, Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt, se trouverait "de facto" assigné à résidence.

Dans une nouvelle publiée le 2 octobre, "Vietcatholic News" affirme que la résidence de l'archevêque est pour ainsi dire assiégée par les forces de sécurité. Des caméras de surveillance ont été installées sur les toits des maisons environnantes, tandis que les téléphones ont été mis sur écoute. Le bureau de l'archevêque a été fermé et lui-même a vu sa liberté de mouvement restreinte en dehors de sa résidence.

Les autorités de Hanoi accusent l'archevêque d'être derrière les manifestations qui réunissent depuis des semaines des milliers de catholiques qui exigent la restitution de biens de l'Eglise confisqués par le régime communiste dans les années 50, que ce soient des terrains appartenant à la paroisse de Thai Hà Ap ou ceux du complexe de l'ancienne délégation apostolique (nonciature) à Hanoi. Elles demandent même sa démission, en soulignant que ses agissements ont des répercussions négatives sur les relations entre le Vietnam et le Vatican.

Mise en garde des autorités vietnamiennes

Le Premier ministre vietnamien Nguyen Tân Dung a reçu mercredi 1er octobre le président de la Conférence épiscopale du Vietnam, Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, évêque de Dà Lat, le cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Man, archevêque de Hôchiminh Ville, et Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, évêque de Hué. Il a relevé à cette occasion que si l'archevêque de Hanoi ne changeait pas son attitude sur les biens de l'Eglise, "ces affaires pourraient avoir des conséquences négatives sur les actuelles bonnes relations entre l'Etat et l'Eglise, ainsi qu'entre le Vietnam et le Vatican". "Le Parti et l'Etat sont résolus à renforcer le bloc d'union nationale, la solidarité entre croyants et non croyants et entre les religions afin de faire du Vietnam un pays prospère avec un peuple riche et une société égalitaire, démocratique et civilisée", a-t-il encore déclaré.

Le chef du gouvernement vietnamien a affirmé que le fil conducteur de la politique de l'Etat en la matière était "le respect de la liberté de croyance et de religion pour chaque citoyen", soulignant que cette politique était "garantie par la loi et réalisée sur la base du respect du système législatif, un système qui ne permet à personne de profiter de la liberté religieuse pour commettre des infractions".

Le quotidien "Le Courrier du Vietnam", dépendant de l'Agence vietnamienne d'information VNA (officielle), rappelle dans son édition du 2 octobre que le chef du gouvernement vietnamien a critiqué sévèrement l'action des fidèles et des religieux qui se sont récemment regroupés au 178, rue Nguyên Luong Bang, et au 42, rue Nhà Chung à Hanoi, "pour y dégrader des biens publics et s’opposer aux fonctionnaires en exercice de leurs fonctions".

Les prêtres et les fidèles de la paroisse de Thai Hà Ap à Hanoi réclament depuis des mois la restitution de terrains appartenant à cette paroisse, et qui ont été confisqués par le régime communiste.

Une paroisse très vivante

La paroisse de Thai Hà Ap est certainement la plus vivante de la capitale du Vietnam. Les anciens bâtiments du monastère des Pères rédemptoristes, une fondation des missionnaires québécois de Ste-Anne de Beaupré établis à Hanoi à la fin des années 20, ont été confisqués par l'Etat. Ils abritent aujourd'hui l'hôpital de Dông Da. Les Rédemptoristes et les paroissiens se battent depuis des mois pour récupérer les biens de l'Eglise.

Evoquant la question foncière et les récentes affaires impliquant des religieux, Nguyen Tân Dung a affirmé que les terres, gérées par l'Etat, étaient la propriété de tout le peuple. "La Constitution et la loi du Vietnam ne reconnaissent en aucun cas la propriété privée. Le Vietnam ne peut donc accepter les réquisitions de terrains pour des motifs religieux et ne souhaite pas réviser la législation en la matière en vigueur depuis le 1er juillet 1991". "L'octroi de terres aux organisations religieuses est régi par les politiques agraires sur la base des demandes des communautés religieuses et en fonction des terrains disponibles dans les localités", a précisé Nguyen Tân Dung

Les autorités affirment que le terrain de la paroisse de Thai Hà (autrefois confisqué, ndr) appartient à l'Etat et est utilisé par la compagnie textile Chiên Thang. La revendication de Trinh Ngoc Hiên, prêtre de la paroisse de Thai Hà Ap, et de certains autres prêtres et chrétiens pour bénéficier du droit d'utilisation de ce terrain, est "sans fondement", selon la mairie de Hanoi. Des prêtres de cette paroisse, conduits par le curé Vu Khoi Phung, "ont de leur plein gré ignoré la loi, refusé la coopération, méprisé le pouvoir et se sont livrés jour après jour à des actes délictueux. Ils se sont emparés de terrains, ont monté illégalement des constructions, incité les catholiques à venir y prier et fait pression sur les autorités", dénoncent les autorités.

Les bouddhistes appelés à la rescousse des autorités

Le maire de Hanoi a averti Vu Khoi Phung, curé de la paroisse, ainsi que les prêtres Nguyên Van Khai, Nguyên Van Thât et Nguyên Ngoc Nam Phong, et exigé d'eux de "s'abstenir de commettre des actes délictueux et des activités religieuses illégales sous peine d'être punis par la loi, de faire respecter la loi par leurs fidèles et de ramener sans tarder statues, croix, photos... dans les lieux qui leur sont réservés".

Nguyên Tân Dung a également fait part de son mécontentement quant aux actions de l'archevêque de Hanoi, Mgr Ngô Quang Kiêt, "qui a soutenu les infractions à la loi d'un certain nombre de missionnaires et paroissiens au 42, rue Nhà Chung, et au 178, rue Nguyên Luong Bang à Hanoi". Et d'ajouter qu'en ne voulant pas coopérer, cet évêque avait "manqué de respect aux autorités de la capitale, ne facilitant ainsi pas la résolution du problème". Il a réitéré la bonne volonté du gouvernement et des organismes d'Etat de négocier pour résoudre les affaires mentionnées "sans recours à la force". Et de conclure: "Tous les actes portant atteinte à la Constitution et à la loi de n'importe quel pays doivent être sanctionnés et les mesures nécessaires mises en œuvre dans ce sens".

Les médias officiels n'ont pas mentionné les protestations des prélats catholiques ni les promesses de restitution graduelles des propriétés de l'Eglise faites à plusieurs reprises depuis le début de l'année. A l'heure actuelle, relève l'agence de presse catholique AsiaNews à Rome, les autorités de Hanoi cherchent à opposer les bouddhistes aux catholiques en affirmant que le terrain sur lequel est bâtie la cathédrale de Hanoi, le séminaire et l'ancienne délégation apostolique étaient "peut-être" dans le temps l'endroit où se trouvait la pagode Bao Thien … détruite en 1426.

Le vice-ministre de la Sécurité publique Nguyen Van Huong - qui affirme que Mgr Ngô Quang Kiêt a, par ses actes et déclarations, ruiné son prestige - affirme que ce sont les colonialistes français qui ont donné aux catholiques en 1883 ce terrain appartenant autrefois aux bouddhistes. Selon une publication éditée par l'Etat lui-même, cette pagode aurait en fait été érigée cinq kilomètres plus au nord. (apic/asian/vna/kna/be)