Les conclusions du Premier ministre Nguyên Tân Dung sur l’affaire de la récupération forcée de l’exploitation de Doan Van Vuon et la destruction de sa maison ont été rendues publiques à Haiphong, vendredi 10 février, en fin d’après-midi. Ainsi, après avoir traîné plus d’un mois – l’opération de récupération forcée de l’exploitation remonte au 5 janvier –, l’affaire aura été réglée en moins d’une semaine sur l’intervention du Premier ministre. ...

... Mais comme beaucoup d’observateurs indépendants l’ont fait remarquer, on peut se demander s’il s’agissait, pour le pouvoir central, de réparer une injustice, ou bien plutôt de mettre un terme à une vague de protestation, qui, par son intensité et son extension, était en train de devenir une menace pour le pouvoir en place.

Le 10 février, le Premier ministre s’est donc rendu à Haiphong où il a présidé la réunion, qui a duré trois heures. Les représentants de plusieurs ministères y ont présenté les résultats de l’enquête menée sur place et les autorités de la ville de Haiphong leurs propres rapports sur les faits. Dès la fin du débat, les conclusions signées du Premier ministre sur l’affaire ont été rendues publiques. Elles accablent principalement les autorités du district et de la commune, invitent la municipalité de Haiphong à s’autocritiquer, tout en se gardant bien d’innocenter Doan Van Vuon et ses compagnons sur lesquels plane toujours la menace d’un procès au pénal.

Le jugement porté par ces conclusions sur les comportements des autorités du district de Tiên Lang est clair et sans appel. La décision de récupération du terrain et l’opération menée à cet effet ont enfreint les dispositions de la loi. Pour ce qui concerne la destruction de la maison qui a accompagné l’opération, le Premier ministre demande expressément qu’elle fasse l’objet d’une action en justice et soit jugée au pénal.

Nguyên Tân Dung a insisté sur les responsabilités des autorités municipales de Haiphong, qui sont chargées de revenir sur les décisions malencontreuses prises par le district et de rétablir l’exploitant agricole spolié dans ses droits. Elles devront aussi faire en sorte que les institutions judiciaires mènent à bien l’enquête préalable au procès de M. Vuon et de ses compagnons pour tentative d’homicide et opposition à des agents dans l’exercice de leurs fonctions.

L’affaire avait débuté le 5 janvier dernier lorsqu’une centaine de policiers et militaires s’était emparée d’un terrain côtier utilisé par Doan Van Vuon et sa famille pour y élever poissons et crustacés. Les utilisateurs du terrain, qui avaient déjà entrepris des démarches administratives pour s’opposer aux décisions des autorités du district, ont résisté les armes à la main (des armes artisanales et des explosifs). Des policiers ont été blessés et quatre membres de la famille engagés dans la lutte ont été arrêtés. Cette affaire a rapidement fait des remous dans l’opinion, d’autant plus que M. Vuon, ingénieur agricole, avait précédemment été officiellement félicité pour ses qualités d’entrepreneur.

Les autorités ecclésiastiques du diocèse de Haiphong avaient été les premières à s’inquiéter pour ce catholique, membre connu et estimé de la paroisse locale. Après avoir envoyé son vicaire général enquêter sur les lieux, l’évêque avait publié une lettre dans laquelle il faisait part de l’excellent rapport qui lui avait été remis sur M. Vuon, ainsi que de son soutien dans cette épreuve. Beaucoup de personnalités avaient également pris parti pour lui, comme, par exemple, Lê Duc Anh, ancien Premier ministre, qui exerce encore aujourd’hui une influence notable malgré son âge avancé. Des sites et des blogs l’ont aussi soutenu avec passion. La presse officielle, et en particulier l’organe des Jeunesses communistes Tuôi Tre (‘Jeunesse’), a publié plusieurs articles en sa faveur. Le Premier ministre a alors lancé une enquête en s’appuyant sur plusieurs ministères. Celle-ci a abouti d’abord à la mise à pied des responsables du district de Tiên Lang, puis à la réunion du vendredi 10 février à Haiphong à l’issue de laquelle le Premier ministre a fait connaître ses conclusions.

(Source: Eglises d'Asie, 14 février 2012)