Eglises d'Asie - Le 30 mars dernier, Mgr Paul Liang Jiansen, a été ordonné évêque de Jiangmen, diocèse situé dans le delta de la rivière des Perles, au Guangdong. Agé de 46 ans, le nouvel évêque, qui était vicaire général de son diocèse depuis 2004, a été ordonné par des évêques en communion avec Rome, lui-même ayant reçu du pape sa nomination épiscopale. De leur côté, Pékin et l’Association patriotique avaient donné leur accord à cette ordination.

Après l’installation le 25 mars de l’évêque coadjuteur du diocèse de Yan’an, dans la province du Shaanxi (1), l’ordination de Mgr Liang est la première à intervenir après les très fortes tensions qu’avaient créées à la fin de l’année dernière l’ordination illicite – non reconnue par le pape – d’un évêque pour le diocèse de Chengde (Hebei) (2) ainsi que la tenue à Pékin de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques (3). Le Saint-Siège avait fait part de sa « profonde douleur » face à des actes qualifiés d’« inacceptables et hostiles ». Aujourd’hui, le fait que l’ordination de Mgr Liang renoue avec une série d’ordinations épiscopales doublement approuvées par Rome et Pékin (4) ne doit cependant pas être interprété comme le signe d’un retour à une situation plus apaisée entre la Chine et l’Eglise universelle, analyse depuis Hongkong Kwun Ping-hung. Observateur de longue date des affaires de l’Eglise en Chine, Kwun Ping-hung précise qu’assurément, cette ordination constitue un signe positif mais qu’« il ne faut pas y voir la marque d’un réchauffement des relations sino-vaticanes ». Les deux parties diffèrent quant au mode de sélection et de nomination des évêques et ces différences peuvent fort bien surgir à l’occasion d’un éventuel nouvel incident, explique encore cet analyste.

Le 30 mars, à la grande satisfaction du nouvel évêque, la cérémonie d’ordination s’est déroulée sans anicroche. Plus de 400 personnes avaient pris place dans la cathédrale du Cœur Immaculé de Marie à Jiangmen. Un millier d’autres étaient massé sur le parvis où des écrans géants retransmettaient la messe. Le nouvel évêque a été ordonné par des évêques du Guangdong, anciens camarades de séminaire : Mgr Joseph Gan Junqiu, évêque de Canton, présidait la cérémonie ; il était assisté de Mgr Joseph Liao Hongqing, évêque de Meixian (Meizhou), et de Mgr Paul Su Yongda, évêque de Zhanjiang. D’autres prélats étaient présents : Mgr Li Suguang, évêque de Nanchang, Mgr Tan Yanquan, évêque de Nanning, et Mgr Shen Bin, évêque de Haimen, ainsi qu’une quarantaine de prêtres, dont certains venus de Macao et de Hongkong.

Mgr Liang prend possession d’un siège épiscopal vacant depuis le décès, le 4 janvier 2007, de Mgr Paul Li Panshi, mort à l’âge de 95 ans d’un cancer du poumon. Il ne cache pas que la tâche est lourde : Jiangmen est un diocèse qui compte 20 000 fidèles, répartis sur une vingtaine de districts et des grandes villes comme Foshan, Jiangmen, Shunde et Zhongshan. Sept prêtres et 26 religieuses seulement sont là pour l’aider et, pour travailler efficacement dans cette région, ils doivent maîtriser le cantonais, le hakka, le mandarin ainsi que d’autres dialectes. Dans cette région qui est l’un des moteurs de la croissance économique du pays, les transformations sociales sont rapides. Or les vocations sacerdotales ou religieuses s’y font rares et Mgr Liang veut faire de la formation des laïcs une priorité, afin que ceux-ci prennent leur part du travail de catéchèse et d’évangélisation, soulignant que « cette année, à Pâques, il n’y aurait que cinq ou six baptêmes ».

Autrefois confié aux missionnaires américains de Maryknoll, Jiangmen jouit d’un passé prestigieux. Deux des grands évangélisateurs de l’Asie et de la Chine y sont en effet passés. En 1552, saint François Xavier a pris pied en Chine en s’installant sur l’îlot de Shangchuan (plus connu sous le nom de Sancian) dans l’attente de la permission d’entrer sur le continent. Il y est mort le 3 décembre 1552. Enterré sur place, le corps du missionnaire jésuite navarrais fut exhumé deux mois plus tard pour être transféré à Malacca dans un premier temps puis à Goa, en Inde, où il repose encore aujourd’hui. L’église actuelle, l’église Saint-François-Xavier, à Shangchuan, rebâtie en 1986, est surmontée d’une statue représentant le saint et, bien qu’il ne soit qu’un cénotaphe, le site est devenu un lieu de pèlerinage populaire. Quant à l’autre grande figure, il s’agit de Matteo Ricci, qui, avant d’arriver à Pékin et pour préparer sa mission vers la capitale de l’Empire, a passé six années à Zhaoqing, de 1583 à 1589. En mémoire de ces deux grands personnages, Mgr Liang a fait graver leurs images sur ses armes épiscopales.

Né le 6 mai 1964, Mgr Liang est entré au séminaire peu après son baptême, en 1985. Formé au séminaire régional de Wuhan, dans le centre du pays, il a été ordonné prêtre en 1991 et a servi comme curé de paroisse à Jiangmen jusqu’en 1995. Nommé vicaire général en 2004, il a été élu évêque de Jiangmen en novembre 2009.

(1) Le 25 mars 2011, Mgr John Baptist Yang Xiaoting a été installé sur le siège épiscopal de Yan’an (Yulin), dans la province du Shaanxi. Son ordination épiscopale, menée en accord avec Rome et avec Pékin, avait eu lieu en juillet 2010, peu avant le durcissement des relations consécutif à l’ordination de Chendge et à la tenue de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques. Voir EDA 533
(2) Voir EDA 540
(3) Voir EDA 540, 541, 542
(4) En 2010, avant l’ordination problématique de Chendge, dix ordinations épiscopales avaient eu lieu en Chine populaire, les évêques « officiels » ainsi ordonnés étant à la fois reconnus par Rome et Pékin, les cérémonies d’ordination étant menées par des évêques en communion avec Rome. Voir EDA 540

(Source: Eglises d'Asie, 31 mars 2011)