Nagasaki, 8 mars 2011, Eglises d’Asie – Mgr Takami Mitsuaki, archevêque de Nagasaki, explique le sens de la démarche synodale qu'il vient de lancer dans son diocèse et la nécessité d'un renouveau missionnaire au sein d’une communauté catholique qui s’étiole.
« Je suis archevêque depuis huit ans, a déclaré à Eglises d’Asie le 7 mars dernier, Mgr Takami Mitsuaki, j'ai proposé des choses mais il y a toujours des personnes pour critiquer. Avec le synode, je souhaite donner la parole aux catholiques de Nagasaki et écouter ce qu’ils ont à dire. »
Au sein de l’Eglise du Japon, l’archidiocèse de Nagasaki, dans le Kyushu, présente un caractère relativement atypique. Là où, dans les quinze autres diocèses que compte l’Eglise au Japon, les catholiques représentent en moyenne 0,3 % de la population, à Nagasaki ce chiffre monte à 4,5 %. L’Eglise y est donc relativement plus visible qu’ailleurs dans le pays mais, selon Mgr Takami, cette visibilité n’est pas nécessairement gage d’un plus grand dynamisme.
Si les communautés chrétiennes y sont en effet héritières de la riche histoire de l’Eglise au Japon, marquée par la prédication de saint François-Xavier, les terribles persécutions qui ont suivi à partir du XVIIème siècle, puis la rencontre en 1865 entre les « chrétiens cachés » et le P. Petitjean, des Missions Etrangères de Paris (1), elles restent en général « assez fermées sur elles-mêmes », constate Mgr Takami, qui ajoute: « Durant des générations, les chrétiens ont transmis la foi à leurs descendants au sein du cercle familial. Cela donne des chrétiens à la foi solide, certes, mais rigide parfois et ils se referment sur eux-mêmes sans penser à évangéliser autour d’eux. »
C’est le 150ème anniversaire de la « découverte » des chrétiens cachés par le P. Petitjean qui a fourni le prétexte de la démarche synodale voulue par Mgr Takami. Cet anniversaire sera célébré en 2015 et d’ici là, l’archevêque souhaite « discuter avec les chrétiens ». Dès le mois d’avril prochain, une première étape sera lancé avec « le synode des paroisses »; un an plus tard, ce sera le tour du « synode des doyennés », et encore un an plus tard, du « synode du diocèse », pour aboutir à un travail de synthèse en 2014 avec une mise en œuvre en 2015.
Pour la première phase, qui démarrera dès avril 2011, Mgr Takami ne souhaite pas donner d’objectifs précis. « Je n’ose pas proposer telle ou telle vision car j’attends des fidèles qu’ils se prononcent, explique-t-il, en précisant que l’enjeu consiste à passer « d’une mentalité encore fermée », fruit d’un passé marqué par le martyre, à « une mentalité plus ouverte pour nous évangéliser nous-mêmes et évangéliser les autres », gage de survie pour l’Eglise à Nagasaki.
Mgr Takami ne cache pas qu'à vue humaine, les réalités présentes ne sont pas encourageantes. Avec un peu plus de 62 000 fidèles, l’archidiocèse demeure certes le second plus important diocèse du Japon, après celui de Tokyo, mais il y a quarante ans on comptait 80 000 catholiques à Nagasaki. Du fait de la faiblesse de la natalité (les familles catholiques ne comptent pas plus d’enfants en moyenne que les familles non catholiques) et du départ des jeunes pour les grandes métropoles du Honshu, le diocèse perd chaque année des fidèles. L’an dernier, 180 baptêmes d’adultes ont été recensés à Nagasaki, soit un chiffre nettement moindre qu’à Nagoya, par exemple, un diocèse numériquement deux fois plus petit que celui de Nagasaki. Au plan des vocations sacerdotales et religieuses, là aussi les statistiques ne sont pas bonnes.
« En soi, les chiffres ne sont pas si importants que cela, commente Mgr Takami, mais ils sont un reflet de notre travail. » La démarche synodale vise à obtenir « la participation de chacun selon ses capacités » à la mission de l’Eglise. Si cela se réalise, « alors la communion fraternelle grandira et nos communautés seront accueillantes aux non-catholiques », espère Mgr Takami, pour qui l’Evangile a toute sa pertinence pour la société japonaise d’aujourd’hui, marquée par une aggravation des inégalités et un affaiblissement des liens sociaux, autrefois si forts.
L’archevêque conclut en affirmant sa volonté de « ne pas être pessimiste ». « Au Japon, nous avons éduqué les chrétiens à observer les commandements, mais aller à la messe le dimanche, s’investir dans les œuvres d’Eglise ne suffit pas à résumer la foi chrétienne. Il nous faut ancrer les préceptes chrétiens dans l’amour, faire en sorte que chacun comprenne et vive le lien entre les préceptes et l’amour. »
Curé de la paroisse de Nakamachi, dans la ville de Nagasaki, le P. Noshita Chitoshi, 74 ans, estime, pour sa part, que « l’effondrement d’une certaine Eglise, très structurée autour de la personne du curé, très hiérarchisée, est une bonne chose ». D’ici quelques années, l’Eglise risque bien de se retrouver sans prêtres ou presque. « Nous serons alors dans la même situation qu’au temps des persécutions. Et si l’Histoire doit nous enseigner quelque chose, c’est bien que l’Eglise n’a pas disparu malgré les persécutions, mais que, affaiblie, transformée, elle a su repartir sur des bases nouvelles », analyse le prêtre, qui ajoute: « Ce qui se passe actuellement est un signe des temps que Dieu nous adresse. Saint Paul a fondé des communautés chrétiennes qui ont disparu, mais le christianisme s'est répandu dans le monde. »
(1) Nagasaki est considérée comme le berceau du christianisme au Japon et cette ville du sud-ouest du Japon reste encore aujourd’hui le symbole de l’Eglise qui a survécu aux persécutions. Dès les premiers temps de l’évangélisation du Japon au XVIe siècle, et malgré les persécutions particulièrement violentes qui s’abattirent à plusieurs reprises sur eux, faisant des dizaines de milliers de martyrs, les chrétiens de la région de Nagasaki ont réussi à survivre, vivant leur foi dans la clandestinité, reconstruisant inlassablement leur église d’Urakami, dès que la persécution se relâchait. Apres l'ouverture du pays et le début de l'ère Meiji (1868), les catholiques purent petit a petit de nouveau vivre leur foi au grand jour. De 1875 à 1914, la cathédrale Sainte-Marie d’Urakami fut construite. Le 9 aout 1945, cette église, à l'époque l’une des plus grandes d’Asie, sera totalement détruite par la bombe atomique, qui explosa quasiment au-dessus du quartier chrétien de la ville, rasant la cathédrale et tuant plus de la moitié des catholiques de la ville. Trente ans plus tard, en 1980, elle a été reconstruite au même endroit.
(Source: Eglises d'Asie, 8 mars 2011)
« Je suis archevêque depuis huit ans, a déclaré à Eglises d’Asie le 7 mars dernier, Mgr Takami Mitsuaki, j'ai proposé des choses mais il y a toujours des personnes pour critiquer. Avec le synode, je souhaite donner la parole aux catholiques de Nagasaki et écouter ce qu’ils ont à dire. »
Au sein de l’Eglise du Japon, l’archidiocèse de Nagasaki, dans le Kyushu, présente un caractère relativement atypique. Là où, dans les quinze autres diocèses que compte l’Eglise au Japon, les catholiques représentent en moyenne 0,3 % de la population, à Nagasaki ce chiffre monte à 4,5 %. L’Eglise y est donc relativement plus visible qu’ailleurs dans le pays mais, selon Mgr Takami, cette visibilité n’est pas nécessairement gage d’un plus grand dynamisme.
Si les communautés chrétiennes y sont en effet héritières de la riche histoire de l’Eglise au Japon, marquée par la prédication de saint François-Xavier, les terribles persécutions qui ont suivi à partir du XVIIème siècle, puis la rencontre en 1865 entre les « chrétiens cachés » et le P. Petitjean, des Missions Etrangères de Paris (1), elles restent en général « assez fermées sur elles-mêmes », constate Mgr Takami, qui ajoute: « Durant des générations, les chrétiens ont transmis la foi à leurs descendants au sein du cercle familial. Cela donne des chrétiens à la foi solide, certes, mais rigide parfois et ils se referment sur eux-mêmes sans penser à évangéliser autour d’eux. »
C’est le 150ème anniversaire de la « découverte » des chrétiens cachés par le P. Petitjean qui a fourni le prétexte de la démarche synodale voulue par Mgr Takami. Cet anniversaire sera célébré en 2015 et d’ici là, l’archevêque souhaite « discuter avec les chrétiens ». Dès le mois d’avril prochain, une première étape sera lancé avec « le synode des paroisses »; un an plus tard, ce sera le tour du « synode des doyennés », et encore un an plus tard, du « synode du diocèse », pour aboutir à un travail de synthèse en 2014 avec une mise en œuvre en 2015.
Pour la première phase, qui démarrera dès avril 2011, Mgr Takami ne souhaite pas donner d’objectifs précis. « Je n’ose pas proposer telle ou telle vision car j’attends des fidèles qu’ils se prononcent, explique-t-il, en précisant que l’enjeu consiste à passer « d’une mentalité encore fermée », fruit d’un passé marqué par le martyre, à « une mentalité plus ouverte pour nous évangéliser nous-mêmes et évangéliser les autres », gage de survie pour l’Eglise à Nagasaki.
Mgr Takami ne cache pas qu'à vue humaine, les réalités présentes ne sont pas encourageantes. Avec un peu plus de 62 000 fidèles, l’archidiocèse demeure certes le second plus important diocèse du Japon, après celui de Tokyo, mais il y a quarante ans on comptait 80 000 catholiques à Nagasaki. Du fait de la faiblesse de la natalité (les familles catholiques ne comptent pas plus d’enfants en moyenne que les familles non catholiques) et du départ des jeunes pour les grandes métropoles du Honshu, le diocèse perd chaque année des fidèles. L’an dernier, 180 baptêmes d’adultes ont été recensés à Nagasaki, soit un chiffre nettement moindre qu’à Nagoya, par exemple, un diocèse numériquement deux fois plus petit que celui de Nagasaki. Au plan des vocations sacerdotales et religieuses, là aussi les statistiques ne sont pas bonnes.
« En soi, les chiffres ne sont pas si importants que cela, commente Mgr Takami, mais ils sont un reflet de notre travail. » La démarche synodale vise à obtenir « la participation de chacun selon ses capacités » à la mission de l’Eglise. Si cela se réalise, « alors la communion fraternelle grandira et nos communautés seront accueillantes aux non-catholiques », espère Mgr Takami, pour qui l’Evangile a toute sa pertinence pour la société japonaise d’aujourd’hui, marquée par une aggravation des inégalités et un affaiblissement des liens sociaux, autrefois si forts.
L’archevêque conclut en affirmant sa volonté de « ne pas être pessimiste ». « Au Japon, nous avons éduqué les chrétiens à observer les commandements, mais aller à la messe le dimanche, s’investir dans les œuvres d’Eglise ne suffit pas à résumer la foi chrétienne. Il nous faut ancrer les préceptes chrétiens dans l’amour, faire en sorte que chacun comprenne et vive le lien entre les préceptes et l’amour. »
Curé de la paroisse de Nakamachi, dans la ville de Nagasaki, le P. Noshita Chitoshi, 74 ans, estime, pour sa part, que « l’effondrement d’une certaine Eglise, très structurée autour de la personne du curé, très hiérarchisée, est une bonne chose ». D’ici quelques années, l’Eglise risque bien de se retrouver sans prêtres ou presque. « Nous serons alors dans la même situation qu’au temps des persécutions. Et si l’Histoire doit nous enseigner quelque chose, c’est bien que l’Eglise n’a pas disparu malgré les persécutions, mais que, affaiblie, transformée, elle a su repartir sur des bases nouvelles », analyse le prêtre, qui ajoute: « Ce qui se passe actuellement est un signe des temps que Dieu nous adresse. Saint Paul a fondé des communautés chrétiennes qui ont disparu, mais le christianisme s'est répandu dans le monde. »
(1) Nagasaki est considérée comme le berceau du christianisme au Japon et cette ville du sud-ouest du Japon reste encore aujourd’hui le symbole de l’Eglise qui a survécu aux persécutions. Dès les premiers temps de l’évangélisation du Japon au XVIe siècle, et malgré les persécutions particulièrement violentes qui s’abattirent à plusieurs reprises sur eux, faisant des dizaines de milliers de martyrs, les chrétiens de la région de Nagasaki ont réussi à survivre, vivant leur foi dans la clandestinité, reconstruisant inlassablement leur église d’Urakami, dès que la persécution se relâchait. Apres l'ouverture du pays et le début de l'ère Meiji (1868), les catholiques purent petit a petit de nouveau vivre leur foi au grand jour. De 1875 à 1914, la cathédrale Sainte-Marie d’Urakami fut construite. Le 9 aout 1945, cette église, à l'époque l’une des plus grandes d’Asie, sera totalement détruite par la bombe atomique, qui explosa quasiment au-dessus du quartier chrétien de la ville, rasant la cathédrale et tuant plus de la moitié des catholiques de la ville. Trente ans plus tard, en 1980, elle a été reconstruite au même endroit.
(Source: Eglises d'Asie, 8 mars 2011)