Eglises d’Asie, 8 avril 2010 – Dans une interview accordée à l’agence Ucanews et publiée le 7 avril dernier (1), le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite du diocèse de Hongkong, affirme très clairement que les compromis qui peuvent être faits par l’Eglise catholique en Chine ont des limites. Tandis que des informations venues de Chine font état de très prochaines ordinations d’évêques illégitimes, le cardinal redit que les évêques en Chine ne peuvent être choisis indépendamment de Rome.
L’interview du cardinal Joseph Zen s’inscrit dans la suite de la réunion au Vatican de la Commission pour la Chine, mise sur pied après la publication, en mai 2007, de la Lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois. Du 22 au 24 mars dernier, les membres de cette commission, dont fait partie le cardinal Zen, se sont retrouvés à Rome pour partager et débattre de la situation de l’Eglise en Chine. Le 25 mars, le Bureau de presse du Saint-Siège a publié un communiqué, immédiatement salué par le cardinal Zen pour sa « clarté » (2). Dans l’interview à l’agence Ucanews, l’ancien évêque de Hongkong revient sur le contenu du communiqué et les développements que l’on peut attendre de l’actualité des semaines à venir.
Fidèle à son franc-parler, le cardinal commence par dire sa satisfaction à constater que le communiqué du 25 mars est nettement plus « franc et direct » que ceux publiés à l’issue des deux précédentes réunions de la Commission pour la Chine (mars 2008 et mars 2009). Il souligne notamment le troisième paragraphe de ce communiqué, où il est question de la nécessité pour les évêques de Chine de protéger la vérité de la foi catholique. « Le communiqué dit aux évêques d’éviter les gestes qui pourraient aller contre la communion avec le Saint-Père, gestes tels que la concélébration (avec des évêques illégitimes), l’ordination épiscopale (sans mandat pontifical) et la participation à des réunions (comme la prochaine Assemblée nationale des représentants catholiques). De tels gestes créent des difficultés, parfois angoissantes, parmi les fidèles », explique le cardinal, reprenant quasiment mot pour mot le communiqué du 25 mars.
Si le cardinal s’exprime sur les deux premiers points du communiqué (à savoir « la formation » du clergé et des fidèles – une tâche qui incombe aux évêques et à eux seuls: « Un évêque doit mener son Eglise et ne doit pas se laisser mener par d’autres » –, et « la réconciliation », qui progresse mais demande du temps et appelle à la prière de tous, notamment à l’occasion de la Journée de prière pour l’Eglise en Chine instituée par Benoît XVI et fixée au 24 mai, fête de Marie Auxiliatrice), il insiste sur le troisième point du communiqué: « le point qui a trait au devoir de l’évêque de protéger la foi (…), qui renvoie sans ambiguïté à la lettre que le pape a écrite à l’Eglise en Chine et qui indique la frontière à ne pas dépasser dans la politique du compromis ». Interrogé par Ucanews sur l’attitude que les catholiques doivent avoir par rapport à l’Association patriotique des catholiques chinois, le cardinal répond que ce troisième point du communiqué « a clarifié la position de l’Eglise: notre objectif doit être son élimination pure et simple ».
Le cardinal précise ensuite l’enjeu que représente la convocation prochaine par les autorités chinoises de l’Assemblée nationale des représentants catholiques. Cette assemblée doit notamment élire le prochain président de la Conférence des évêques « officiels » et celui de l’Association patriotique. Reportée à plusieurs reprises depuis l’an dernier, l’Assemblée devrait se tenir prochainement. Pour le cardinal Zen, la tenue effective de l’Assemblée équivaudrait à « une solennelle déclaration d’intention » des autorités chinoises, qui signifieraient par là que le statu quo actuel doit être maintenu. Des deux présidents qui doivent être élus par l’Assemblée, le cardinal dit qu’ils ne sont que des « marionnettes » n’exerçant aucune autorité véritable sur l’Eglise. A ce stade de l’interview, le cardinal précise: « La totalité du pouvoir sur l’Eglise est entre les mains d’un laïc, qui est l’un des vice-présidents de l’Association patriotique, une personne qui, de manière évidente, tient son pouvoir du gouvernement. Ces dernières années, ce laïc a pu agir à sa guise tandis que les postes de président (de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale) étaient vacants. » Même si le nom n’est pas cité, chacun aura reconnu la personne d’Anthony Liu Bainian.
A propos des évêques de Chine, le cardinal reconnaît qu’ils subissent des pressions considérables et que leur mission est par conséquent difficile, mais il réitère en substance les propos qu’il avait tenus en janvier 2009 (3). « Si nous comparons la situation d’aujourd’hui avec celle d’hier, on peut estimer que nos évêques « officiels » ne risquent plus d’être jetés en prison ou démis de leur office. Ils peuvent sans doute subir des mesures de rétorsion, telle un moindre soutien financier du gouvernement ou une liberté de mouvement restreinte », mais, précise l’ancien évêque de Hongkong, « les évêques sont à la tête de l’Eglise. On peut donc attendre d’eux qu’ils soient à même de résister à la pression qui s’exerce sur eux ». A l’adresse de « tous » les évêques, le cardinal ajoute qu’il est de leur devoir d’essayer « par tous les moyens » d’entrer en communication « avec les plus hautes autorités ».
Quant à la nécessité de pourvoir dans un proche avenir les sièges épiscopaux vacants en Chine, le cardinal explique que ces vacances sont une réalité mais que les évêques ne peuvent pas être choisis sans l’accord de Rome. « Le pape a clairement établi ce point dans sa Lettre à l’Eglise de Chine. Mais, dans cette même lettre, il a aussi clairement dit que la négociation est parfaitement possible avec le gouvernement chinois », dit le cardinal, avant d’évoquer les rumeurs qui font état de l’ordination très prochaine de plusieurs évêques illégitimes, i.e. choisis sans avoir reçu l’accord du pape.
D’autres sources bien informées venues de Chine confirment que Pékin prépare au moins six ordinations épiscopales, concernant, d’une part, des candidats à l’épiscopat qui ont reçu l’accord du pape et, d’autre part, des candidats sans mandat pontifical. Le cardinal Zen accuse: ce que l’on peut deviner de ces préparatifs est qu’« il doit y avoir une machination ourdie par ceux qui tirent de grands bénéfices de la situation présente. Ces personnes ne veulent pas d’une éventuelle normalisation. Elles ne cherchent qu’à créer des troubles ». Le cardinal veut croire que le gouvernement chinois peut changer d’avis: ce qui se prépare « n’est pas conforme à la politique gouvernementale d’harmonie sociale », affirme-t-il, tout en ajoutant: « Pour notre part, nous ne pouvons tolérer que nos évêques restent à jamais les esclaves de l’Association patriotique. »
Les dernières ordinations épiscopales illégitimes remontent à 2006. En avril, mai et novembre de cette année, trois consécrations épiscopales eurent lieu sans mandat pontifical. Une dizaine d’évêques en communion avec le Saint-Père y avaient pris part.
(1) Ucanews, 7 avril 2010.
(2) Voir EDA 526
(3) Voir EDA 499
(Source: Eglises d'Asie, 8 avril 2010)
L’interview du cardinal Joseph Zen s’inscrit dans la suite de la réunion au Vatican de la Commission pour la Chine, mise sur pied après la publication, en mai 2007, de la Lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois. Du 22 au 24 mars dernier, les membres de cette commission, dont fait partie le cardinal Zen, se sont retrouvés à Rome pour partager et débattre de la situation de l’Eglise en Chine. Le 25 mars, le Bureau de presse du Saint-Siège a publié un communiqué, immédiatement salué par le cardinal Zen pour sa « clarté » (2). Dans l’interview à l’agence Ucanews, l’ancien évêque de Hongkong revient sur le contenu du communiqué et les développements que l’on peut attendre de l’actualité des semaines à venir.
Fidèle à son franc-parler, le cardinal commence par dire sa satisfaction à constater que le communiqué du 25 mars est nettement plus « franc et direct » que ceux publiés à l’issue des deux précédentes réunions de la Commission pour la Chine (mars 2008 et mars 2009). Il souligne notamment le troisième paragraphe de ce communiqué, où il est question de la nécessité pour les évêques de Chine de protéger la vérité de la foi catholique. « Le communiqué dit aux évêques d’éviter les gestes qui pourraient aller contre la communion avec le Saint-Père, gestes tels que la concélébration (avec des évêques illégitimes), l’ordination épiscopale (sans mandat pontifical) et la participation à des réunions (comme la prochaine Assemblée nationale des représentants catholiques). De tels gestes créent des difficultés, parfois angoissantes, parmi les fidèles », explique le cardinal, reprenant quasiment mot pour mot le communiqué du 25 mars.
Si le cardinal s’exprime sur les deux premiers points du communiqué (à savoir « la formation » du clergé et des fidèles – une tâche qui incombe aux évêques et à eux seuls: « Un évêque doit mener son Eglise et ne doit pas se laisser mener par d’autres » –, et « la réconciliation », qui progresse mais demande du temps et appelle à la prière de tous, notamment à l’occasion de la Journée de prière pour l’Eglise en Chine instituée par Benoît XVI et fixée au 24 mai, fête de Marie Auxiliatrice), il insiste sur le troisième point du communiqué: « le point qui a trait au devoir de l’évêque de protéger la foi (…), qui renvoie sans ambiguïté à la lettre que le pape a écrite à l’Eglise en Chine et qui indique la frontière à ne pas dépasser dans la politique du compromis ». Interrogé par Ucanews sur l’attitude que les catholiques doivent avoir par rapport à l’Association patriotique des catholiques chinois, le cardinal répond que ce troisième point du communiqué « a clarifié la position de l’Eglise: notre objectif doit être son élimination pure et simple ».
Le cardinal précise ensuite l’enjeu que représente la convocation prochaine par les autorités chinoises de l’Assemblée nationale des représentants catholiques. Cette assemblée doit notamment élire le prochain président de la Conférence des évêques « officiels » et celui de l’Association patriotique. Reportée à plusieurs reprises depuis l’an dernier, l’Assemblée devrait se tenir prochainement. Pour le cardinal Zen, la tenue effective de l’Assemblée équivaudrait à « une solennelle déclaration d’intention » des autorités chinoises, qui signifieraient par là que le statu quo actuel doit être maintenu. Des deux présidents qui doivent être élus par l’Assemblée, le cardinal dit qu’ils ne sont que des « marionnettes » n’exerçant aucune autorité véritable sur l’Eglise. A ce stade de l’interview, le cardinal précise: « La totalité du pouvoir sur l’Eglise est entre les mains d’un laïc, qui est l’un des vice-présidents de l’Association patriotique, une personne qui, de manière évidente, tient son pouvoir du gouvernement. Ces dernières années, ce laïc a pu agir à sa guise tandis que les postes de président (de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale) étaient vacants. » Même si le nom n’est pas cité, chacun aura reconnu la personne d’Anthony Liu Bainian.
A propos des évêques de Chine, le cardinal reconnaît qu’ils subissent des pressions considérables et que leur mission est par conséquent difficile, mais il réitère en substance les propos qu’il avait tenus en janvier 2009 (3). « Si nous comparons la situation d’aujourd’hui avec celle d’hier, on peut estimer que nos évêques « officiels » ne risquent plus d’être jetés en prison ou démis de leur office. Ils peuvent sans doute subir des mesures de rétorsion, telle un moindre soutien financier du gouvernement ou une liberté de mouvement restreinte », mais, précise l’ancien évêque de Hongkong, « les évêques sont à la tête de l’Eglise. On peut donc attendre d’eux qu’ils soient à même de résister à la pression qui s’exerce sur eux ». A l’adresse de « tous » les évêques, le cardinal ajoute qu’il est de leur devoir d’essayer « par tous les moyens » d’entrer en communication « avec les plus hautes autorités ».
Quant à la nécessité de pourvoir dans un proche avenir les sièges épiscopaux vacants en Chine, le cardinal explique que ces vacances sont une réalité mais que les évêques ne peuvent pas être choisis sans l’accord de Rome. « Le pape a clairement établi ce point dans sa Lettre à l’Eglise de Chine. Mais, dans cette même lettre, il a aussi clairement dit que la négociation est parfaitement possible avec le gouvernement chinois », dit le cardinal, avant d’évoquer les rumeurs qui font état de l’ordination très prochaine de plusieurs évêques illégitimes, i.e. choisis sans avoir reçu l’accord du pape.
D’autres sources bien informées venues de Chine confirment que Pékin prépare au moins six ordinations épiscopales, concernant, d’une part, des candidats à l’épiscopat qui ont reçu l’accord du pape et, d’autre part, des candidats sans mandat pontifical. Le cardinal Zen accuse: ce que l’on peut deviner de ces préparatifs est qu’« il doit y avoir une machination ourdie par ceux qui tirent de grands bénéfices de la situation présente. Ces personnes ne veulent pas d’une éventuelle normalisation. Elles ne cherchent qu’à créer des troubles ». Le cardinal veut croire que le gouvernement chinois peut changer d’avis: ce qui se prépare « n’est pas conforme à la politique gouvernementale d’harmonie sociale », affirme-t-il, tout en ajoutant: « Pour notre part, nous ne pouvons tolérer que nos évêques restent à jamais les esclaves de l’Association patriotique. »
Les dernières ordinations épiscopales illégitimes remontent à 2006. En avril, mai et novembre de cette année, trois consécrations épiscopales eurent lieu sans mandat pontifical. Une dizaine d’évêques en communion avec le Saint-Père y avaient pris part.
(1) Ucanews, 7 avril 2010.
(2) Voir EDA 526
(3) Voir EDA 499
(Source: Eglises d'Asie, 8 avril 2010)