Le 26 septembre dernier, quelque 600 pêcheurs du district de Quynh Luu s’étaient rendus ensemble jusqu’au Tribunal populaire de Ky Anh pour y déposer des plaintes contre l’usine Formosa responsable de la pollution maritime qui a ravagé les côtes du Centre-Vietnam et leur a fait perdre leurs emplois. Dès le lendemain, le tribunal faisait savoir qu’il recevait 506 des plaintes déposées. Cependant, une semaine plus tard, le 5 octobre, la presse officielle annonçait que le tribunal avait procédé au renvoi à leurs auteurs des 506 plaintes déposées contre l’usine Formosa, tout en précisant que ce renvoi était conforme à la législation en vigueur.

Le 8 octobre dernier, le président du tribunal de Ky Anh expliquait dans un journal juridique de Saigon que les plaintes déposées et les documents les accompagnant ne contenaient pas assez de détails sur les dégâts subis par les plaignants. S’expliquant plus tard dans la presse, le juge ajoutait que le rejet des plaintes s’appuyait sur plusieurs articles du Code de procédure civile exigeant que les plaintes soient accompagnées de documents concrets apportant la preuve des dégâts subis.

Le même jour, le P. Anton Dang Huu Nam, porte-parole du groupe des plaignants, s’est exprimé auprès de la BBC (émissions en vietnamien). Selon le prêtre catholique, ce rejet des plaintes par le tribunal témoigne tout simplement du parti pris adopté par les autorités. Il montre aussi que les pêcheurs sont non seulement victimes de la pollution, mais aussi celles des autorités qui « les ont mis sur la touche ». Plus tard, le prêtre a expliqué qu’il ne s’étonnait pas de ce rejet. En raison de l’actuel système juridique et de la situation politique prévalant dans le pays, le gouvernement et l’usine Formosa ne font qu’un, a-t-il affirmé.

Il est probable que les événements qui ont suivi le dépôt des plaintes, en particulier l’importante manifestation du 2 octobre, ont poussé le tribunal à changer d’avis. Il est vraisemblable que des pressions du pouvoir exécutif se sont exercées sur l’appareil judiciaire. Depuis la manifestation, une certaine méfiance est visible aussi bien chez les autorités locales qu’au sein des forces de l’ordre. Dimanche 9 octobre, la surveillance policière autour de l’usine Formosa a été grandement renforcée. Cependant, rien ne s’est passé ce jour-là. Par ailleurs, deux jours auparavant, le 7 octobre, un communiqué de la Sécurité publique mettait en garde la population contre le parti d’opposition bien connu Viet Tân, qualifié de « parti terroriste ». « Quiconque participerait à leur action, ou agirait selon les consignes lancées par ce parti, serait considéré comme complice. » Dans une interview, dont la traduction a été publiée par Eglises d’Asie, l’évêque du diocèse avait nié une quelconque participation de ce parti aux manifestations des fidèles du diocèse. (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 12 octobre 2016)