Bien qu’un voyage du pape en Chine populaire apparaisse à l’heure actuelle de l’ordre de l’impensable, l’impact du pape François, un an après son élection sur le siège de Pierre, est notable au sein de l’Eglise de Chine. La plupart des catholiques de Chine savent que le pape jésuite a, dès son élection, affirmé sa proximité avec l’Eglise de Chine. Peu à peu, ils découvrent l’originalité de ce pape, notamment dans son appel à la pauvreté dans l’Eglise. Dans l’article ci-dessous, publié dans le numéro 171 (vol. XXIII, hiver 2013) de Tripod, revue du Centre de recherches du Saint-Esprit du diocèse de Hongkong, Annie Lam analyse les réponses à un questionnaire adressé à un ensemble de clercs, de religieuses et de laïcs de l’Eglise qui est en Chine au sujet de cet appel pontifical à la pauvreté.
Dans une Chine où le développement économique extrêmement rapide et les fortes inégalités de richesse qui l’accompagnent se retrouvent, peu ou prou, au sein même de l’Eglise de Chine, les réponses apportées au questionnaire éclairent d’un jour instructif certaines des forces et des faiblesses de l’Eglise de Chine. Elles témoignent aussi que si l’« option préférentielle pour les pauvres » est comprise par certains, elle appelle à un renouveau spirituel pour tous. Elles dénotent enfin d’une certaine soif de formation en ce domaine, soif qui trouve peu à peu à s’étancher à mesure que davantage d’ouvrages sont désormais disponibles en chinois. On peut signaler à cet égard la récente traduction en chinois du livre-témoignage du P. Joseph Wresinski, Les Pauvres sont l’Eglise, publié à Taiwan en décembre 2013 (1).
Le pape François a été élu le 13 mars 2013 et intronisé six jours plus tard pour être le 266ème pape et conduire un milliard deux cents millions de catholiques dans le monde entier. Au cours de la liturgie inaugurale, le nouveau pape a exhorté tous les fidèles à être les gardiens de la Création et de l’environnement et d’être au service des plus vulnérables et des plus pauvres. Il a déclaré qu’il avait choisi le nom de ‘François’ parce que saint François d’Assise était un homme de pauvreté, un homme de paix et un homme qui aimait la Création. « Comme je voudrais voir une Eglise qui est pauvre et pour les pauvres ! », a-t-il déclaré.
Le Saint-Père, âgé de 76 ans, est le premier pape jésuite et le premier pape venu des Amériques et hors d’Europe. Il donne l’exemple d’une vie simple dans l’Eglise, portant lui-même son porte-documents et n’habitant pas le palais apostolique. Il a montré son souci pour les plus fragiles et les pauvres en lavant les pieds de prisonniers pendant la Semaine Sainte, et embrassant des pauvres et des handicapés. Il a critiqué les systèmes économiques et a prié à Lampedusa, île au sud de l’Italie, où des migrants clandestins sont morts et ont disparu, ensevelis dans les profondeurs de la mer. Certains médias ont décrit François comme « un pape au service des pauvres » (Times du 30 juillet 2013). Comme ses prédécesseurs, le pape François met l’accent sur l’importance et la puissance de la prière.
La Chine a connu un développement rapide au cours des dernières décennies et le pays a émergé comme la deuxième plus grande économie du monde. Les conditions de vie du peuple chinois, catholiques compris, ont beaucoup changé. Comment les catholiques chinois voient-ils le désir du pape François d’avoir « une Eglise pauvre pour les pauvres ? ». La revue Tripod a envoyé un questionnaire à des catholiques de Chine entre avril et mai 2013 pour leur connaître leur opinion, en leur posant les questions suivantes :
Une vingtaine de réponses sont parvenues, venant de la part d’évêques, de prêtres, de religieuses, de diacres et de laïcs, provenant à la fois des communautés de l’Eglise « officielle » et de l’Eglise « clandestine ». Les réponses sont venues de la ville de Tianjin, des provinces du Gansu, du Hebei, du Hubei et de Mongolie intérieure, du Liaoning, du Shaanxi, du Shanxi et du Yunnan. La majorité des personnes interrogées avaient une formation religieuse poussée ou avaient fait des études au séminaire. Certains avaient étudié à l’étranger. En raison de la diversité des expériences des répondants, il n’a pas été facile de résumer et de consolider leurs opinions. Les résultats ont montré que :
1.) L’appel du pape François pour ‘une Eglise des pauvres’ a été apprécié
Concernant l’appel pour « une Eglise pauvre pour les pauvres » et une vie de simplicité, Mgr John Wang Ruowang, de Tianshui, au Gansu, écrit : « C’est le problème rencontré aujourd’hui par l’Eglise de Chine. Une vie ecclésiale de simplicité apporte stabilité et développement dans l’Eglise. Situé dans une région défavorisée, notre diocèse a longtemps été pauvre et arriéré, sans aucun revenu. » Comme dans d’autres provinces du pays, ajoute-t-il, l’Eglise locale a subi de graves dommages pendant la Révolution culturelle (1966-1976). Comme dans d’autres régions de Chine, son Eglise a été restaurée après que le gouvernement chinois eut mis en œuvre la politique de réformes, à la fin des années 1970. Cependant, depuis lors, certains catholiques perçoivent la hiérarchie de l’Eglise d’une manière différente. « Nous aimons Jésus, mais pas son Eglise », disent-ils. Ils ne comprennent pas la nature de l’unité de l’Eglise et ont été la cause de divisions. Outre les problèmes créés par l’absence de ressources, cette attitude a été la cause de très grandes souffrances. Un besoin urgent pour ce diocèse, précise Mgr Wang, qui a été ordonné en 2011, « est une re-formation ou une formation renouvelée pour les prêtres, les séminaristes et les religieuses. Ils ont besoin d’une direction claire dans la vie. Servir les pauvres et vivre dans la simplicité pourrait être le but de leur vie consacrée ». Mgr Wang note encore que l’Eglise doit « résister vigoureusement à une existence sécularisée et servir ceux qui souffrent. Les diocèses chinois les plus riches devraient aider généreusement les plus pauvres ».
D’autres répondants approuvent que l’Eglise doive lutter contre la sécularisation et que les paroisses et les diocèses ayant davantage de ressources devraient aider les plus pauvres. Mgr Wu Junwei, de Yuncheng (Xinjiang), au Shanxi, explique : « Le Seigneur Jésus a toujours défendu les pauvres et les faibles. L’Eglise de Chine aujourd’hui ne prend pas soin des pauvres car ses ressources humaines et matérielles sont insuffisantes pour l’évangélisation. A l’opposé, certaines communautés d’Eglise ont dépensé sans compter pour des bâtiments d’église et des célébrations. S’il y a un réel besoin pour de telles manifestations, ils peuvent le faire d’une manière plus simple et plus pratique. »
2.) Le clergé doit vivre avec simplicité
Comme mentionné ci-dessus, un déséquilibre dans la croissance économique au cours des dernières décennies a fait naître des problèmes de disparité entre riches et pauvres, notamment pour l’accès à la santé, à l’éducation et au logement, sans parler de l’essor de la corruption. Ayant le désir d’une vie meilleure, les jeunes adultes des zones rurales émigrent en masse vers les villes et les régions côtières. Cela élargit le fossé entre les zones rurales et urbaines, économiquement et socialement. Le P. Zhang Jingfeng, de Chifeng, en Mongolie intérieure, décrit l’Eglise dans la société chinoise « comme un esquif voguant sur une mer agitée, allant de l’avant avec des difficultés. L’Eglise est faible et dispose d’un espace de croissance limité ».
Les catholiques chinois résidaient traditionnellement dans les campagnes. La plupart d’entre eux ne sont pas très fortunés. C’est aussi le cas quand ils vont vers les grandes villes. Où qu’ils soient, les catholiques devraient se préoccuper davantage des pauvres et les amener vers l’Eglise. En fait, beaucoup de riches souffrent d’un manque dans leur vie, dit-il. Le P. Zhang suggère que le clergé « donne d’abord le bon exemple en vivant dans un esprit de pauvreté au service des faibles et des marginaux. Des mesures concrètes peuvent apporter un soutien matériel aux étudiants des régions pauvres, des prestations de services médicaux gratuits et des aides d’urgence, une aide aux handicapées et aux personnes âgées. Les Eglises les plus riches peuvent créer des fonds pour venir en aide aux pauvres et planifier des projets à long terme. Pour ce qui est des catholiques vivant dans les zones touchées par la misère, ils peuvent eux aussi servir les pauvres par leur témoignage vivant en portant Jésus aux autres ».
D’autres répondants ont convenu que le clergé doit vivre de manière simple. Le P. Jean Mi Shen, du diocèse Zhaoxian, au Hebei, signale que l’appel du pape était opportun et urgent. L’Eglise en Chine est fortement influencée par les valeurs matérialistes et consuméristes, estime-t-il. Certains membres du clergé ont négligé de vivre simplement et ont oublié de prendre soin des pauvres. Il a reçu l’appel du Saint-Père comme une demande à tous les catholiques d’« examiner » le vrai sens de notre mission. « En Chine, les catholiques, le clergé en particulier, devraient manifester plus de sollicitude pour les problèmes sociaux et aider les populations au niveau local à être une voix pour exprimer leurs besoins et défendre leurs intérêts », explicite le P. Mi.
Il ajoute que le développement personnel du peuple chinois et la croissance de l’économie ne vont pas au même rythme en Chine. Il semble que, devenus riches, certains deviennent « sans cœur », écrit-il.
« Que certains s’enrichissent en premier lieu n’est pas mauvais en soi, mais le problème se pose quand les riches sont sans cœur et ne sont pas disposés à partager leurs biens avec les autres Cela crée la situation ‘plus d’argent, moins d’amour, plus de richesses, moins de charité’. »
Le P. Mi écrit encore : « Il nous faut défendre la dignité des pauvres et aider les riches à atteindre un but dans leur existence, en favorisant un cœur aimant. L’Eglise peut utiliser les médias pour diffuser les valeurs de l’Evangile et l’esprit de pauvreté. Les fidèles doivent témoigner de l’esprit de pauvreté dans leur vie quotidienne. Ils devraient suivre l’exemple du pape François qui prend l’autobus et prépare ses propres repas. La question n’est pas de savoir combien nous possédons, mais comment nous utilisons ce que nous avons. C’est une question de comportement dans nos vies. »
Le « rêve chinois » du président Xi Jinping est un moyen pour la Chine de promouvoir l’esprit chinois et de créer de la cohésion au sein de la puissance chinoise, comme le gouvernement chinois l’a affirmé. De même, le P. Joseph Li, également du Hebei, voit dans la parole du pape « une Eglise pauvre pour les pauvres » comme « un rêve d’Eglise » et un moyen de promouvoir les valeurs évangéliques dans la société actuelle. Jésus commence les Béatitudes avec : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu 5.3). Cela exprime clairement le caractère de l’Eglise, écrit-il. « Tous les chrétiens devraient vivre avec un corps et une âme, étant sur terre mais avec nos cœurs dans le ciel. Ce voyage est une invitation difficile. Nous devons toujours voir Jésus dans les pauvres. »
Un prêtre du nord de la Chine souligne également l’importance de la vie spirituelle. « En Chine, nous avons encore des pauvres, comme les bébés abandonnés, les enfants abandonnés et ceux qui vivent dans des régions montagneuses reculées. Les chrétiens devraient montrer plus d’amour et d’espérance envers eux pour les aider à surmonter les vides spirituels. Le pape François apporte de bonnes nouvelles au peuple chinois, car il vit et porte le souci des pauvres. C’est un modèle pour ceux qui conduisent l’Eglise. »
Le P. Cao Laichao, de Zhouzhi, au Shaanxi, ajoute que servir les autres est une expression de la vertu de charité. Il estime que l’Eglise en Chine doit promouvoir les œuvres de bienfaisance, telles que les cliniques, les foyers pour enfants handicapés et les établissements d’enseignement. Les fidèles doivent également rendre visite aux malades et aux personnes âgées.
3.) Les plus pauvres sont ceux qui sont privés d’éducation
Sœur Marie Shen, du Shanxi, écrit : « Je suis touchée par l’appel du pape François d’avoir une Eglise pour les pauvres. Saint François d’Assise et le pape François paraissent être la même personne. Tous deux ont de la perspicacité et sont en mesure de voir les lacunes de la société moderne. Tous deux ont de la compassion envers les pauvres. » Elle ajoute qu’elle-même n’a pas connu l’extrême pauvreté dans sa région mais a plutôt grandi dans un environnement aisé. Elle fait remarquer que les plus pauvres sont ceux qui sont privés du droit à l’éducation, du droit de jouer leur rôle dans la société et du droit de posséder une identité. « Il ya des gens qui vivent dans une pauvreté spirituelle et émotionnelle car ils souffrent d’un manque de soutien des autres. Leur nombre augmente à tous les niveaux de la société. Des familles négligent leurs membres âgés à cause d’une vie trop prenante. Les parents qui travaillent ne donnent pas à leurs enfants les soins appropriés. La charge du travail scolaire empêche les jeunes de profiter des activités de loisirs et d’intervenir dans les questions sociales. »
Le P. Tao Zhibin, de Dali, au Yunnan, administre les sacrements et exerce un travail pastoral dans des zones de montagne. Il écrit : « Ce que le pape François a signalé est ce que nos prêtres essaient de faire ici. Nous visitons souvent les catholiques vivant dans les régions pauvres et éloignées, puisque nous parcourons un total d’environ 60 000 kilomètres par an. Certains villages ne sont pas accessibles en voiture. Nous devons franchir des collines et marcher trois ou quatre heures avant d’atteindre les villageois. Les routes de haute montagne sont dangereuses. » Le P. Tao a l’espoir que les membres de l’Eglise se préoccupent davantage des petites communautés de l’Eglise, comme celles qui existent dans les régions reculées du diocèse de Dali.
Parmi ceux qui ont répondu au questionnaire, il y en a qui ressentent de l’impatience devant la pauvreté matérielle des catholiques qui sont dans l’Eglise depuis de nombreuses générations. Un jeune prêtre du Shanxi, âgé d’une trentaine d’années, déclare : « Les catholiques chinois vivent principalement dans les villages ruraux. Ils sont toujours considérés comme les pauvres et les faibles de la société. Pourquoi et comment les catholiques pauvres peuvent-ils servir les autres, qui sont relativement riches ? Les catholiques eux-mêmes sont impuissants. Une Eglise pauvre est toujours présentée comme une communauté ayant peu d’aptitudes et de faibles compétences. » Il pense que l’Eglise a assez souffert de la pauvreté. Les membres de l’Eglise adhèrent souvent à la pensée que « l’Eglise catholique, depuis l’époque de ses ancêtres, n’a jamais voulu être riche et puissante ». C’est pourquoi, poursuit-il, « les services d’Eglise dans les zones rurales pauvres ne sont que d’ordre sacramentel. Les prêtres doivent même trouver leur propre nourriture et leurs moyens de subsistance ».
4.) Un esprit de partage souhaitable dans l’Eglise
Un diacre d’une communauté de l’Eglise « clandestine » dit qu’on ne peut pas faire de déclaration d’ordre général sur le service des pauvres en Chine parce que les situations économiques et politiques sont localement hétérogènes. Il fait remarquer que « l’Eglise n’est pas pauvre matériellement, mais qu’elle manque d’esprit de partage ». Il est allé dans des paroisses pauvres où la nourriture de base des prêtres n’était pas assurée. « Mais j’ai également visité d’autres prêtres, qui conduisaient des voitures de luxe et habitaient de somptueuses maisons. J’espère seulement que les membres de l’Eglise puissent se soutenir mutuellement ! »
Un prêtre du nord de la Chine dont le pseudonyme est ‘Agneau’ dit qu’être pauvre en esprit est un signe d’Eglise, particulièrement devant le matérialisme généralisé et l’argent-roi. La corruption existe à la fois dans la société et dans l’Eglise. Les paroisses riches n’aident pas celles relativement pauvres. Les paroisses prospères gaspillent et abusent de leurs ressources, tandis que les paroisses pauvres ou les communautés clandestines souffrent et sont dans le besoin. Avec des communautés petites en nombre de fidèles, l’Eglise « clandestine » subsiste dans de difficiles conditions de pauvreté. Prêtres et religieuses ont tout juste assez d’argent pour se nourrir et se vêtir. Pour construire un lieu de prière, ils doivent aller solliciter des fonds extérieurs. Le P. ‘Agneau’ suggère qu’un diocèse chinois florissant s’associe à un autre plus pauvre. C’est ce qu’on appelle un « jumelage » où les diocèses les plus riches viendront davantage en aide à de plus petites communautés ecclésiales.
Une religieuse de l’Eglise « clandestine » écrit : « Je pense que l’Eglise en Chine prend de plus en plus ses distances avec les pauvres. La compréhension de la Parole devient de plus en plus égocentrique et superficielle. Des idées séculières ont fait dévier et même déformer la pensée du peuple de l’Eglise. Le pape François, en tant que représentant du Christ sur terre, nous a suppliés de retourner vers les pauvres. Grâce à l’étude de la Bible, nous pouvons approfondir notre compréhension du sens de la pauvreté en esprit et du service des pauvres. » Elle ajoute qu’un curé de paroisse ne doit pas limiter son souci des pauvres uniquement à ses homélies mais qu’il doit essayer de comprendre leurs souffrances et les aider à résoudre leurs problèmes. Pour le moins, il doit leur offrir le soutien de l’Eglise.
5.) Dans l’attente d’une visite du pape François en Chine
Le pape François, au second jour de son investiture, a dit au cardinal John Tong, évêque de Hongkong : « L’Eglise qui est en Chine est dans mon cœur. » Un peu plus tard, à deux reprises, le pape a exprimé publiquement sa préoccupation au sujet de la Chine. La première fois en avril 2013, quand il a appelé à prier pour les victimes du séisme de Ya’an, dans la province du Sichuan. La deuxième fois, le 22 mai 2013, quand il a appelé les catholiques du monde entier à prier pour les catholiques chinois, en demandant spécialement à Dieu la grâce, l’humilité et la joie de proclamer la mort et la résurrection de Jésus-Christ, la fidélité à son Eglise et au successeur de Pierre. Le pape François a également rappelé aux catholiques chinois de servir leur pays et leurs concitoyens en vivant de leur foi. Le Saint-Père les a également exhortés à rendre leurs actions compatibles avec la foi qu’ils confessent (Radio Vatican, le 22 mai 2013). A ce jour, aucun pape n’a jamais visité la Chine. A la fin du mois de juillet 2013, le pape François a dit à la presse qu’il espérait visiter l’Asie dans un avenir proche.
De nombreuses réponses expriment l’espoir que le pape François améliorera les relations avec la Chine et viendra y visiter son troupeau. Ils indiquent qu’ils sont très reconnaissants aux divers papes pour leur souci touchant l’Eglise qui est en Chine. Ils ont été particulièrement émus par les mots du pape François, « l’Eglise qui est en Chine est dans mon cœur ». Ils constatent que l’Eglise de Chine est, à bien des égards, pauvre et peu avancée mais que leur vie spirituelle est encore pire. « J’espère que le Saint-Père aidera l’Eglise de Chine à construire un temple de vie spirituelle et enverra des formateurs spirituels expérimentés pour guider notre clergé et nos fidèles. »
Une religieuse écrit que l’Eglise en Chine n’a jamais été rejetée hors de l’Eglise universelle. Les déclarations des papes sur la Chine sont un réconfort pour les catholiques locaux. Elle espère que le pape en personne viendra un jour en Chine et parviendra à mieux connaître l’Eglise de Chine. Alors, dit-elle, les catholiques chinois « manifesteront plus de compréhension et d’acceptation et moins de remarques critiques en leur sein ». Elle exprime l’idée que l’Eglise en Chine a été une Eglise souffrante dont la plupart des tensions venaient du sein de l’Eglise. Elle écrit : « Nous espérons que le pape entendra la voix des fidèles chinois, viendra sur le sol chinois pour dire à notre peuple qu’il nous aime. »
Mgr John Wang dit que « le témoignage d’un pauvre en esprit doit être la tâche principale de tous les chrétiens. Les catholiques chinois doivent mettre en pratique la lettre de 2007 du pape Benoît XVI aux catholiques chinois. Cela aidera l’Eglise en Chine à grandir et à vivre l’esprit du Christ ». Lui et d’autres répondants expriment l’espoir que le pape François continuera à prier pour l’Eglise qui est en Chine, que les catholiques chinois seront unifiés et jouiront bientôt d’une pleine et entière liberté de croyance.
(1) Les pauvres sont l’Eglise, Conversation avec le P. Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD-Quart Monde, entretien avec Gilles Anouil, publié en 1983 aux éditions du Centurion, puis réédité en 2005 au Cerf, traduit en chinois par Yang Shwu-Shiow et publié à Taipei aux éditions Psygarden
(Source: Eglises d'Asie, le 19 février 2014)
Dans une Chine où le développement économique extrêmement rapide et les fortes inégalités de richesse qui l’accompagnent se retrouvent, peu ou prou, au sein même de l’Eglise de Chine, les réponses apportées au questionnaire éclairent d’un jour instructif certaines des forces et des faiblesses de l’Eglise de Chine. Elles témoignent aussi que si l’« option préférentielle pour les pauvres » est comprise par certains, elle appelle à un renouveau spirituel pour tous. Elles dénotent enfin d’une certaine soif de formation en ce domaine, soif qui trouve peu à peu à s’étancher à mesure que davantage d’ouvrages sont désormais disponibles en chinois. On peut signaler à cet égard la récente traduction en chinois du livre-témoignage du P. Joseph Wresinski, Les Pauvres sont l’Eglise, publié à Taiwan en décembre 2013 (1).
Le pape François a été élu le 13 mars 2013 et intronisé six jours plus tard pour être le 266ème pape et conduire un milliard deux cents millions de catholiques dans le monde entier. Au cours de la liturgie inaugurale, le nouveau pape a exhorté tous les fidèles à être les gardiens de la Création et de l’environnement et d’être au service des plus vulnérables et des plus pauvres. Il a déclaré qu’il avait choisi le nom de ‘François’ parce que saint François d’Assise était un homme de pauvreté, un homme de paix et un homme qui aimait la Création. « Comme je voudrais voir une Eglise qui est pauvre et pour les pauvres ! », a-t-il déclaré.
Le Saint-Père, âgé de 76 ans, est le premier pape jésuite et le premier pape venu des Amériques et hors d’Europe. Il donne l’exemple d’une vie simple dans l’Eglise, portant lui-même son porte-documents et n’habitant pas le palais apostolique. Il a montré son souci pour les plus fragiles et les pauvres en lavant les pieds de prisonniers pendant la Semaine Sainte, et embrassant des pauvres et des handicapés. Il a critiqué les systèmes économiques et a prié à Lampedusa, île au sud de l’Italie, où des migrants clandestins sont morts et ont disparu, ensevelis dans les profondeurs de la mer. Certains médias ont décrit François comme « un pape au service des pauvres » (Times du 30 juillet 2013). Comme ses prédécesseurs, le pape François met l’accent sur l’importance et la puissance de la prière.
La Chine a connu un développement rapide au cours des dernières décennies et le pays a émergé comme la deuxième plus grande économie du monde. Les conditions de vie du peuple chinois, catholiques compris, ont beaucoup changé. Comment les catholiques chinois voient-ils le désir du pape François d’avoir « une Eglise pauvre pour les pauvres ? ». La revue Tripod a envoyé un questionnaire à des catholiques de Chine entre avril et mai 2013 pour leur connaître leur opinion, en leur posant les questions suivantes :
- 1.) Le pape François a dit : « Combien je voudrais une Eglise pauvre, pour les pauvres ! ». D’après l’expérience de votre Eglise locale, comment réagissez-vous à son appel ? Comment un tel souhait peut-il être encouragé en Chine ?
- 2.) Concernant l’appel du pape François pour une Eglise pauvre, comment un tel mode de vie pourra-t-il influencer l’Eglise qui est en Chine ? Quels défis seront posés aux modes de vie des dirigeants de l’Eglise en Chine?
- 3.) Le pape François a déclaré que si l’Eglise n’est pas centrée sur le Christ, elle ne se différencie guère d’une ONG caritative. Voyez-vous ces signes au sein de votre Eglise locale ? Comment pouvez-vous éviter cette crise ?
- 4.) Le pape François a déclaré : « L’Eglise en Chine est toujours dans mon cœur. » Qu’attendez-vous de lui ? Comment peut-il aider au développement de l’Eglise de Chine ?
Une vingtaine de réponses sont parvenues, venant de la part d’évêques, de prêtres, de religieuses, de diacres et de laïcs, provenant à la fois des communautés de l’Eglise « officielle » et de l’Eglise « clandestine ». Les réponses sont venues de la ville de Tianjin, des provinces du Gansu, du Hebei, du Hubei et de Mongolie intérieure, du Liaoning, du Shaanxi, du Shanxi et du Yunnan. La majorité des personnes interrogées avaient une formation religieuse poussée ou avaient fait des études au séminaire. Certains avaient étudié à l’étranger. En raison de la diversité des expériences des répondants, il n’a pas été facile de résumer et de consolider leurs opinions. Les résultats ont montré que :
- 1.) La plupart d’entre eux sont convenus que le service des pauvres est de la plus haute importance pour l’Eglise. Ils apprécient la simplicité de vie du pape François et sa sollicitude pour les pauvres en paroles et en actes.
- 2.) Avec l’amélioration de l’économie et du niveau de vie, la Chine est confrontée à de graves disparités des richesses, à l’origine d’un grand nombre de troubles sociaux. Ces réalités ont un impact sur le développement de l’Eglise et sur les valeurs chrétiennes en Chine.
- 3.) Le clergé et les religieuses chinois, qui ont reçu une formation superficielle, sont affectés négativement par une vie matérialiste et des valeurs sécularisées.
- 4.) Peu de gens d’Eglise ou de communautés situés dans des régions prospères prennent des initiatives pour aider les communautés d’Eglise des secteurs touchés par la pauvreté.
- 5.) Les Eglises des régions économiquement développées doivent activement aider les catholiques vivant dans les zones pauvres et aux ressources limitées. Cela finira par favoriser le travail d’évangélisation dans la Chine toute entière.
- 6.) Peu de répondants ont tenté de répondre à la question sur les ONG, probablement parce qu’ils n’ont pas bien compris la question de la notion d’organisations non gouvernementales. Les extraits suivants sont tirés des réponses sur ces questions.
1.) L’appel du pape François pour ‘une Eglise des pauvres’ a été apprécié
Concernant l’appel pour « une Eglise pauvre pour les pauvres » et une vie de simplicité, Mgr John Wang Ruowang, de Tianshui, au Gansu, écrit : « C’est le problème rencontré aujourd’hui par l’Eglise de Chine. Une vie ecclésiale de simplicité apporte stabilité et développement dans l’Eglise. Situé dans une région défavorisée, notre diocèse a longtemps été pauvre et arriéré, sans aucun revenu. » Comme dans d’autres provinces du pays, ajoute-t-il, l’Eglise locale a subi de graves dommages pendant la Révolution culturelle (1966-1976). Comme dans d’autres régions de Chine, son Eglise a été restaurée après que le gouvernement chinois eut mis en œuvre la politique de réformes, à la fin des années 1970. Cependant, depuis lors, certains catholiques perçoivent la hiérarchie de l’Eglise d’une manière différente. « Nous aimons Jésus, mais pas son Eglise », disent-ils. Ils ne comprennent pas la nature de l’unité de l’Eglise et ont été la cause de divisions. Outre les problèmes créés par l’absence de ressources, cette attitude a été la cause de très grandes souffrances. Un besoin urgent pour ce diocèse, précise Mgr Wang, qui a été ordonné en 2011, « est une re-formation ou une formation renouvelée pour les prêtres, les séminaristes et les religieuses. Ils ont besoin d’une direction claire dans la vie. Servir les pauvres et vivre dans la simplicité pourrait être le but de leur vie consacrée ». Mgr Wang note encore que l’Eglise doit « résister vigoureusement à une existence sécularisée et servir ceux qui souffrent. Les diocèses chinois les plus riches devraient aider généreusement les plus pauvres ».
D’autres répondants approuvent que l’Eglise doive lutter contre la sécularisation et que les paroisses et les diocèses ayant davantage de ressources devraient aider les plus pauvres. Mgr Wu Junwei, de Yuncheng (Xinjiang), au Shanxi, explique : « Le Seigneur Jésus a toujours défendu les pauvres et les faibles. L’Eglise de Chine aujourd’hui ne prend pas soin des pauvres car ses ressources humaines et matérielles sont insuffisantes pour l’évangélisation. A l’opposé, certaines communautés d’Eglise ont dépensé sans compter pour des bâtiments d’église et des célébrations. S’il y a un réel besoin pour de telles manifestations, ils peuvent le faire d’une manière plus simple et plus pratique. »
2.) Le clergé doit vivre avec simplicité
Comme mentionné ci-dessus, un déséquilibre dans la croissance économique au cours des dernières décennies a fait naître des problèmes de disparité entre riches et pauvres, notamment pour l’accès à la santé, à l’éducation et au logement, sans parler de l’essor de la corruption. Ayant le désir d’une vie meilleure, les jeunes adultes des zones rurales émigrent en masse vers les villes et les régions côtières. Cela élargit le fossé entre les zones rurales et urbaines, économiquement et socialement. Le P. Zhang Jingfeng, de Chifeng, en Mongolie intérieure, décrit l’Eglise dans la société chinoise « comme un esquif voguant sur une mer agitée, allant de l’avant avec des difficultés. L’Eglise est faible et dispose d’un espace de croissance limité ».
Les catholiques chinois résidaient traditionnellement dans les campagnes. La plupart d’entre eux ne sont pas très fortunés. C’est aussi le cas quand ils vont vers les grandes villes. Où qu’ils soient, les catholiques devraient se préoccuper davantage des pauvres et les amener vers l’Eglise. En fait, beaucoup de riches souffrent d’un manque dans leur vie, dit-il. Le P. Zhang suggère que le clergé « donne d’abord le bon exemple en vivant dans un esprit de pauvreté au service des faibles et des marginaux. Des mesures concrètes peuvent apporter un soutien matériel aux étudiants des régions pauvres, des prestations de services médicaux gratuits et des aides d’urgence, une aide aux handicapées et aux personnes âgées. Les Eglises les plus riches peuvent créer des fonds pour venir en aide aux pauvres et planifier des projets à long terme. Pour ce qui est des catholiques vivant dans les zones touchées par la misère, ils peuvent eux aussi servir les pauvres par leur témoignage vivant en portant Jésus aux autres ».
D’autres répondants ont convenu que le clergé doit vivre de manière simple. Le P. Jean Mi Shen, du diocèse Zhaoxian, au Hebei, signale que l’appel du pape était opportun et urgent. L’Eglise en Chine est fortement influencée par les valeurs matérialistes et consuméristes, estime-t-il. Certains membres du clergé ont négligé de vivre simplement et ont oublié de prendre soin des pauvres. Il a reçu l’appel du Saint-Père comme une demande à tous les catholiques d’« examiner » le vrai sens de notre mission. « En Chine, les catholiques, le clergé en particulier, devraient manifester plus de sollicitude pour les problèmes sociaux et aider les populations au niveau local à être une voix pour exprimer leurs besoins et défendre leurs intérêts », explicite le P. Mi.
Il ajoute que le développement personnel du peuple chinois et la croissance de l’économie ne vont pas au même rythme en Chine. Il semble que, devenus riches, certains deviennent « sans cœur », écrit-il.
« Que certains s’enrichissent en premier lieu n’est pas mauvais en soi, mais le problème se pose quand les riches sont sans cœur et ne sont pas disposés à partager leurs biens avec les autres Cela crée la situation ‘plus d’argent, moins d’amour, plus de richesses, moins de charité’. »
Le P. Mi écrit encore : « Il nous faut défendre la dignité des pauvres et aider les riches à atteindre un but dans leur existence, en favorisant un cœur aimant. L’Eglise peut utiliser les médias pour diffuser les valeurs de l’Evangile et l’esprit de pauvreté. Les fidèles doivent témoigner de l’esprit de pauvreté dans leur vie quotidienne. Ils devraient suivre l’exemple du pape François qui prend l’autobus et prépare ses propres repas. La question n’est pas de savoir combien nous possédons, mais comment nous utilisons ce que nous avons. C’est une question de comportement dans nos vies. »
Le « rêve chinois » du président Xi Jinping est un moyen pour la Chine de promouvoir l’esprit chinois et de créer de la cohésion au sein de la puissance chinoise, comme le gouvernement chinois l’a affirmé. De même, le P. Joseph Li, également du Hebei, voit dans la parole du pape « une Eglise pauvre pour les pauvres » comme « un rêve d’Eglise » et un moyen de promouvoir les valeurs évangéliques dans la société actuelle. Jésus commence les Béatitudes avec : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu 5.3). Cela exprime clairement le caractère de l’Eglise, écrit-il. « Tous les chrétiens devraient vivre avec un corps et une âme, étant sur terre mais avec nos cœurs dans le ciel. Ce voyage est une invitation difficile. Nous devons toujours voir Jésus dans les pauvres. »
Un prêtre du nord de la Chine souligne également l’importance de la vie spirituelle. « En Chine, nous avons encore des pauvres, comme les bébés abandonnés, les enfants abandonnés et ceux qui vivent dans des régions montagneuses reculées. Les chrétiens devraient montrer plus d’amour et d’espérance envers eux pour les aider à surmonter les vides spirituels. Le pape François apporte de bonnes nouvelles au peuple chinois, car il vit et porte le souci des pauvres. C’est un modèle pour ceux qui conduisent l’Eglise. »
Le P. Cao Laichao, de Zhouzhi, au Shaanxi, ajoute que servir les autres est une expression de la vertu de charité. Il estime que l’Eglise en Chine doit promouvoir les œuvres de bienfaisance, telles que les cliniques, les foyers pour enfants handicapés et les établissements d’enseignement. Les fidèles doivent également rendre visite aux malades et aux personnes âgées.
3.) Les plus pauvres sont ceux qui sont privés d’éducation
Sœur Marie Shen, du Shanxi, écrit : « Je suis touchée par l’appel du pape François d’avoir une Eglise pour les pauvres. Saint François d’Assise et le pape François paraissent être la même personne. Tous deux ont de la perspicacité et sont en mesure de voir les lacunes de la société moderne. Tous deux ont de la compassion envers les pauvres. » Elle ajoute qu’elle-même n’a pas connu l’extrême pauvreté dans sa région mais a plutôt grandi dans un environnement aisé. Elle fait remarquer que les plus pauvres sont ceux qui sont privés du droit à l’éducation, du droit de jouer leur rôle dans la société et du droit de posséder une identité. « Il ya des gens qui vivent dans une pauvreté spirituelle et émotionnelle car ils souffrent d’un manque de soutien des autres. Leur nombre augmente à tous les niveaux de la société. Des familles négligent leurs membres âgés à cause d’une vie trop prenante. Les parents qui travaillent ne donnent pas à leurs enfants les soins appropriés. La charge du travail scolaire empêche les jeunes de profiter des activités de loisirs et d’intervenir dans les questions sociales. »
Le P. Tao Zhibin, de Dali, au Yunnan, administre les sacrements et exerce un travail pastoral dans des zones de montagne. Il écrit : « Ce que le pape François a signalé est ce que nos prêtres essaient de faire ici. Nous visitons souvent les catholiques vivant dans les régions pauvres et éloignées, puisque nous parcourons un total d’environ 60 000 kilomètres par an. Certains villages ne sont pas accessibles en voiture. Nous devons franchir des collines et marcher trois ou quatre heures avant d’atteindre les villageois. Les routes de haute montagne sont dangereuses. » Le P. Tao a l’espoir que les membres de l’Eglise se préoccupent davantage des petites communautés de l’Eglise, comme celles qui existent dans les régions reculées du diocèse de Dali.
Parmi ceux qui ont répondu au questionnaire, il y en a qui ressentent de l’impatience devant la pauvreté matérielle des catholiques qui sont dans l’Eglise depuis de nombreuses générations. Un jeune prêtre du Shanxi, âgé d’une trentaine d’années, déclare : « Les catholiques chinois vivent principalement dans les villages ruraux. Ils sont toujours considérés comme les pauvres et les faibles de la société. Pourquoi et comment les catholiques pauvres peuvent-ils servir les autres, qui sont relativement riches ? Les catholiques eux-mêmes sont impuissants. Une Eglise pauvre est toujours présentée comme une communauté ayant peu d’aptitudes et de faibles compétences. » Il pense que l’Eglise a assez souffert de la pauvreté. Les membres de l’Eglise adhèrent souvent à la pensée que « l’Eglise catholique, depuis l’époque de ses ancêtres, n’a jamais voulu être riche et puissante ». C’est pourquoi, poursuit-il, « les services d’Eglise dans les zones rurales pauvres ne sont que d’ordre sacramentel. Les prêtres doivent même trouver leur propre nourriture et leurs moyens de subsistance ».
4.) Un esprit de partage souhaitable dans l’Eglise
Un diacre d’une communauté de l’Eglise « clandestine » dit qu’on ne peut pas faire de déclaration d’ordre général sur le service des pauvres en Chine parce que les situations économiques et politiques sont localement hétérogènes. Il fait remarquer que « l’Eglise n’est pas pauvre matériellement, mais qu’elle manque d’esprit de partage ». Il est allé dans des paroisses pauvres où la nourriture de base des prêtres n’était pas assurée. « Mais j’ai également visité d’autres prêtres, qui conduisaient des voitures de luxe et habitaient de somptueuses maisons. J’espère seulement que les membres de l’Eglise puissent se soutenir mutuellement ! »
Un prêtre du nord de la Chine dont le pseudonyme est ‘Agneau’ dit qu’être pauvre en esprit est un signe d’Eglise, particulièrement devant le matérialisme généralisé et l’argent-roi. La corruption existe à la fois dans la société et dans l’Eglise. Les paroisses riches n’aident pas celles relativement pauvres. Les paroisses prospères gaspillent et abusent de leurs ressources, tandis que les paroisses pauvres ou les communautés clandestines souffrent et sont dans le besoin. Avec des communautés petites en nombre de fidèles, l’Eglise « clandestine » subsiste dans de difficiles conditions de pauvreté. Prêtres et religieuses ont tout juste assez d’argent pour se nourrir et se vêtir. Pour construire un lieu de prière, ils doivent aller solliciter des fonds extérieurs. Le P. ‘Agneau’ suggère qu’un diocèse chinois florissant s’associe à un autre plus pauvre. C’est ce qu’on appelle un « jumelage » où les diocèses les plus riches viendront davantage en aide à de plus petites communautés ecclésiales.
Une religieuse de l’Eglise « clandestine » écrit : « Je pense que l’Eglise en Chine prend de plus en plus ses distances avec les pauvres. La compréhension de la Parole devient de plus en plus égocentrique et superficielle. Des idées séculières ont fait dévier et même déformer la pensée du peuple de l’Eglise. Le pape François, en tant que représentant du Christ sur terre, nous a suppliés de retourner vers les pauvres. Grâce à l’étude de la Bible, nous pouvons approfondir notre compréhension du sens de la pauvreté en esprit et du service des pauvres. » Elle ajoute qu’un curé de paroisse ne doit pas limiter son souci des pauvres uniquement à ses homélies mais qu’il doit essayer de comprendre leurs souffrances et les aider à résoudre leurs problèmes. Pour le moins, il doit leur offrir le soutien de l’Eglise.
5.) Dans l’attente d’une visite du pape François en Chine
Le pape François, au second jour de son investiture, a dit au cardinal John Tong, évêque de Hongkong : « L’Eglise qui est en Chine est dans mon cœur. » Un peu plus tard, à deux reprises, le pape a exprimé publiquement sa préoccupation au sujet de la Chine. La première fois en avril 2013, quand il a appelé à prier pour les victimes du séisme de Ya’an, dans la province du Sichuan. La deuxième fois, le 22 mai 2013, quand il a appelé les catholiques du monde entier à prier pour les catholiques chinois, en demandant spécialement à Dieu la grâce, l’humilité et la joie de proclamer la mort et la résurrection de Jésus-Christ, la fidélité à son Eglise et au successeur de Pierre. Le pape François a également rappelé aux catholiques chinois de servir leur pays et leurs concitoyens en vivant de leur foi. Le Saint-Père les a également exhortés à rendre leurs actions compatibles avec la foi qu’ils confessent (Radio Vatican, le 22 mai 2013). A ce jour, aucun pape n’a jamais visité la Chine. A la fin du mois de juillet 2013, le pape François a dit à la presse qu’il espérait visiter l’Asie dans un avenir proche.
De nombreuses réponses expriment l’espoir que le pape François améliorera les relations avec la Chine et viendra y visiter son troupeau. Ils indiquent qu’ils sont très reconnaissants aux divers papes pour leur souci touchant l’Eglise qui est en Chine. Ils ont été particulièrement émus par les mots du pape François, « l’Eglise qui est en Chine est dans mon cœur ». Ils constatent que l’Eglise de Chine est, à bien des égards, pauvre et peu avancée mais que leur vie spirituelle est encore pire. « J’espère que le Saint-Père aidera l’Eglise de Chine à construire un temple de vie spirituelle et enverra des formateurs spirituels expérimentés pour guider notre clergé et nos fidèles. »
Une religieuse écrit que l’Eglise en Chine n’a jamais été rejetée hors de l’Eglise universelle. Les déclarations des papes sur la Chine sont un réconfort pour les catholiques locaux. Elle espère que le pape en personne viendra un jour en Chine et parviendra à mieux connaître l’Eglise de Chine. Alors, dit-elle, les catholiques chinois « manifesteront plus de compréhension et d’acceptation et moins de remarques critiques en leur sein ». Elle exprime l’idée que l’Eglise en Chine a été une Eglise souffrante dont la plupart des tensions venaient du sein de l’Eglise. Elle écrit : « Nous espérons que le pape entendra la voix des fidèles chinois, viendra sur le sol chinois pour dire à notre peuple qu’il nous aime. »
Mgr John Wang dit que « le témoignage d’un pauvre en esprit doit être la tâche principale de tous les chrétiens. Les catholiques chinois doivent mettre en pratique la lettre de 2007 du pape Benoît XVI aux catholiques chinois. Cela aidera l’Eglise en Chine à grandir et à vivre l’esprit du Christ ». Lui et d’autres répondants expriment l’espoir que le pape François continuera à prier pour l’Eglise qui est en Chine, que les catholiques chinois seront unifiés et jouiront bientôt d’une pleine et entière liberté de croyance.
(1) Les pauvres sont l’Eglise, Conversation avec le P. Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD-Quart Monde, entretien avec Gilles Anouil, publié en 1983 aux éditions du Centurion, puis réédité en 2005 au Cerf, traduit en chinois par Yang Shwu-Shiow et publié à Taipei aux éditions Psygarden
(Source: Eglises d'Asie, le 19 février 2014)