«Orientations pastorales de l’Eglise du Christ au Vietnam - Exposé de Mgr Paul Bui Van Doc à l’assemblée des supérieurs majeurs des congrégations religieuses présentes au Vietnam »
Mgr Paul Bui Van Doc a prononcé cet exposé le 5 novembre 2013 au cours de l’assemblée des supérieurs majeurs qui se tenait cette année, dans un monastère salésien, à Duc Trong, dans le diocèse de Dalat. Plusieurs évêques y participaient. Certes, c’est loin d’être la première fois que cet évêque intervient sur ce sujet, à savoir l’orientation de la pastorale générale de l’Eglise au Vietnam, mais, cette fois-ci, les circonstances étaient particulières. Il vient d’être nommé archevêque coadjuteur de Saigon et élu par ses pairs président de la Conférence des évêques du Vietnam. A ce titre, il va jouer un rôle particulier dans l’animation et la mise en œuvre de la pastorale générale pendant la durée de son mandat de trois ans. De fait, l’exposé prononcé devant les supérieurs majeurs contient à la fois la ligne directrice de son action à venir et les points forts sur lesquels il veut attirer l’attention du peuple de Dieu au Vietnam.
Comme il le rappelle dans son introduction, la ligne directrice de la pastorale à venir de l’Eglise au Vietnam existe déjà. Elle a été tracée lors de la dernière assemblée des évêques; elle est toute orientée vers la « nouvelle évangélisation », une évangélisation qui aura successivement pour support la famille, les communautés paroissiales et religieuses et, enfin, la société tout entière.
A cette ligne commune déjà adoptée par la Conférence des évêques, le nouveau président a ajouté un certain nombre de points. Il a en particulier rappelé les deux références essentielles, l’une à l’universalité de l’Eglise, la seconde à son enracinement particulier sur la terre du Vietnam. Elle est l’Eglise catholique au Vietnam et, pour cela, entraîné dans le mouvement pour la pauvreté et la simplicité, lancé aujourd’hui dans l’Eglise par le pape François. Son enracinement au Vietnam lui impose le devoir d’acculturation, qui, selon le nouveau président de la Conférence épiscopale, n’en est encore qu’à ses débuts.
Ce texte a été mis en ligne sur le site de la Conférence épiscopale du Vietnam à l’adresse suivante: http://www.hdgmvietnam.org/duong-huong-muc-vu-cua-giao-hoi-chua-kito-tai-viet-nam/5540.63.8.aspx
Il a été traduit en français par la rédaction d’Eglises d’Asie.
Le sujet qui m’a été suggéré par l’assemblée est le suivant: « Quelle est l’orientation pastorale actuelle de l’Eglise au Vietnam ? ». Ce thème a fait l’objet des débats de la Grande Assemblée du peuple de Dieu en 2010, dans le cadre du schéma: « Eglise au Vietnam, Mystère – Communion – Mission ». Il a ensuite pris une forme concrète dans la Lettre commune publiée à l’issue de la grande assemblée sous le titre: « Ensemble, consolidons la civilisation de l’amour et de la vie ». Cette lettre commune a présenté l’orientation pastorale de l’Eglise au Vietnam pour plusieurs années, avec un programme d’activités concrètes s’étalant de l’année 2010 jusqu’à l’année 2013. Lui a succédé la campagne pour la nouvelle évangélisation, proposée dans la récente Lettre commune rédigée par la Conférence épiscopale, le 10 octobre 2013, au cours de son assemblée plénière: «La nouvelle évangélisation exige que soit révisé l’ensemble des activités pastorales sous tous leurs aspects. Ce qui signifie que nous devons procéder à la transformation aussi bien de nos mentalités que de nos orientations et des méthodes utilisées dans notre action pastorale » (Lettre commune du 10 octobre 2013, & 4). La lettre présente également un programme pastoral s’étalant sur trois années: année 2014, évangélisation de la vie familiale; année 2015, évangélisation de la vie des paroisses et des diverses communautés; année 2016, évangélisation de la vie sociale.
L’Eglise du Vietnam est, en vérité, l’Eglise de Jésus-Christ au Vietnam, l’Eglise universelle au Vietnam, l’Eglise une et sainte, catholique et apostolique au Vietnam, l’Eglise catholique latine dont le chef est le pape François, elle est associée à l’ensemble des évêques catholiques du monde, elle est présente et œuvre concrètement sur le territoire du Vietnam. Pour cette raison, son orientation est l’orientation commune de l’Eglise, même si, au Vietnam, il y a, bien évidemment, des caractéristiques particulières, des adaptations à l’environnement culturel et social.
C’est dans cette perspective à la fois commune et particulière que nous devons placer « l’orientation pastorale actuelle de l’Eglise au Vietnam ». Je me contenterai de souligner un certain nombre de points d’ordre général, dans l’esprit du concile Vatican II, de l’enseignement de l’Eglise post-conciliaire, plus particulièrement celui du pape François, notre bien-aimé pontife.
1.) L’Eglise des pauvres, pour les pauvres
L’Eglise des pauvres
L’Eglise fondée par Jésus-Christ est née au milieu des gens pauvres; elle est composée en grande partie de pauvres. C’est pourquoi ceux-ci doivent avoir leur place et faire entendre leurs voix dans l’Eglise. Ils ne peuvent pas toujours rester à une place subalterne, impuissants à se faire entendre.
L’Eglise pour les pauvres
On peut être pauvre matériellement, culturellement, spirituellement, moralement. Il y a aussi ceux qui sont méprisés, opprimés, les malades, les affamés, les vieillards, les faibles et les isolés. L’Eglise doit se préoccuper davantage de ces catégories de personnes. Elle doit leur dispenser des soins particuliers, les accompagner, partager leur vie, partager ses ressources avec elles, leur assurer son aide quand elles en ont besoin.
Cette priorité de la pauvreté a pour premier corollaire la vie pauvre et dépouillée des diverses composantes de l’Eglise ayant une vocation spéciale, comme les prêtres séculiers et les religieux, les diocèses et paroisses, les ordres et les congrégations religieuses. « Que l’on diminue la construction d’établissements de trop grandes dimensions et que l’on allège les dépenses somptuaires ! »
2.) L’Eglise de tous et pour tous (c’est le sens du mot « catholique »)
L’Eglise tous
Elle est l’Eglise du Christ et de tous ceux qui veulent se faire ses disciples. Elle n’appartient en propre à personne, ni à la hiérarchie, ni au clergé ou aux religieux, mais à tous les membres du peuple de Dieu.
Autre corollaire de la même priorité: il est nécessaire qu’il y ait une collaboration plus étroite, plus riche, plus variée entre les congrégations religieuses et le clergé séculier. Il faut également développer au maximum le rôle des laïcs dans l’Eglise, faire en sorte que tout le monde puisse constater notre véritable identité, à savoir « des disciples du Christ » qui, avec les autres disciples, forment le corps unique du Christ.
L’Eglise pour tous
L’Eglise est tournée vers tous, sans exception, y compris ceux qui ne croient pas encore en Dieu. C’est pour cela que le dialogue avec toutes les catégories de personnes est absolument nécessaire. C’est la voie que le Christ lui-même a tracée. L’Eglise doit converser avec tous, partager avec tous selon la volonté du Christ. La voie suivie par le pape François est très claire: « Dialogue, discernement et engagement. »
3.) Une Eglise engagée dans l’annonce de l’Evangile
Avant nous, les missionnaires étrangers, les prêtres, religieux et laïcs du pays ont jeté toutes leurs forces dans l’annonce de l’Evangile. Mais, comme dans beaucoup d’autres endroits du monde, l’annonce de l’Evangile s’est, en partie, arrêtée.
L’Eglise au Vietnam, aujourd’hui, n’a pas encore achevé cette annonce. On a accompli certes des efforts dispersés, mais ceux-ci ne se sont pas poursuivis et n’ont pas reçu d’orientation générale. Nous avons besoin d’un « courageux retournement ». Il faut véritablement du courage pour passer d’une pastorale de maintien (NdT: en français dans le texte), qui préserve et protège un statut et des institutions, à une pastorale missionnaire authentique (NdT: en français dans le texte).
L’Eglise est destinée à tous ceux qui ont besoin de la grâce du salut, une grâce dont chacun a besoin, même s’il n’en a pas conscience, qu’il ne soit pas encore chrétien ou qu’il le soit déjà. C’est pourquoi il existe une « évangélisation » et une « nouvelle évangélisation ». Nous avons besoin d’une nouvelle ardeur, de méthodes et d’orientations nouvelles, d’une nouvelle façon de nous exprimer pour annoncer l’Evangile. Il est nécessaire que nous évangélisions tous les domaines et tous les endroits qui ont encore besoin d’être éclairés. Cette lumière est un besoin pour les « banlieues », entendue au sens propre comme au sens figuré, pour tous les « coins et recoins de l’être », pour tous les aspects de la vie.
4.) L’acculturation
Pour évangéliser et évangéliser à nouveau aussi bien en largeur qu’en profondeur, il nous faut accomplir un pas de géant dans le processus d’acculturation.
Si nous avons besoin de réaliser un effort hors du commun et d’accomplir un pas de géant, c’est parce que, depuis longtemps, l’Eglise au Vietnam a quelque peu oublié cette dimension d’inculturation, aussi bien dans sa vie que dans l’annonce de l’Evangile.
Certes, nous ne devons pas être complexés et considérer la religion chrétienne dans notre pays comme une religion étrangère importée comme le pense un certain nombre de gens. Des efforts considérables ont été accomplis par nos ancêtres et par les missionnaires au cours des siècles écoulés. Cependant, si nous considérons la situation actuelle, nous devons reconnaître « une carence certaine ». En particulier, dans le domaine de la pensée: notre façon de penser est occidentale et, encore plus, les religieux et les prêtres séculiers sont envoyés faire des études en Occident. Les Eglises, les monastères sont édifiés selon les canons de l’architecture occidentale.
Dans le domaine de la liturgie, il n’y a pas eu non plus d’acculturation notable. Le langage ecclésiastique que nous utilisons est encore étranger et difficilement compréhensible pour ceux qui ne connaissent pas encore le Seigneur. Naturellement, l’acculturation doit être comprise dans un double sens: elle consiste à apporter l’Evangile dans une culture pour la faire progresser de l’intérieur. Elle signifie aussi: introduire la culture dans l’annonce de l’Evangile, pour que sa voix soit adaptée aux oreilles du peuple vietnamien. Naturellement, nous devons tenir compte du fait que les gens à qui nous parlons sont des Vietnamiens d’aujourd’hui. La société vietnamienne est encore une société pluriculturelle et comporte de nombreuses ethnies.
5.) L’Eglise contribue à l’édification de la société
L’Eglise contribue activement aux œuvres sociales non pas à la manière des associations caritatives ou des organismes non gouvernementaux, mais à cause de la dimension sociale de l’Evangile.
L’amour et la vérité sont les deux critères essentiels qui identifient les contributions de l’Eglise dans tous les domaines sociaux, plus particulièrement dans l’éducation, les soins de santé. Elle s’efforce d’apporter sa contribution à l’amélioration de l’environnement aussi bien physique que spirituel. Mais son apport le plus grand et le plus original, c’est « l’annonce de la bonne nouvelle de l’amour de Dieu », la présentation du tendre visage du Christ à tous.
La pastorale de l’Eglise doit être une pastorale de la tendresse (NdT: en français dans le texte). Témoignant de la tendresse de Dieu tout particulièrement à l’égard des pécheurs, nous devons exalter et mettre en œuvre une pastorale de la miséricorde (en français dans le texte). Les membres du peuple de Dieu et surtout les pasteurs doivent être de nouveaux « consolateurs » (alter Paraclitus). Il faut consoler et apaiser le peuple de Dieu et tous les hommes, leur rapporter joie et bonheur. Pour parler concrètement, l’Eglise aujourd’hui doit se préoccuper des conséquences néfastes des transformations climatiques sur notre planète, des cataclysmes naturels qui s’abattent sans discontinuer sur notre pays, des fléaux sociaux qui troublent la vie de nombreuses familles et plus particulièrement de la jeunesse.
6.) Le renouvellement de notre vie et de notre façon de faire
Il est nécessaire que soient renouvelées la manière de vivre et les façons de faire de chaque composante du peuple de Dieu, tout particulièrement celle du personnel d’Eglise. Nous devons porter notre attention sur la qualité beaucoup plus que sur la quantité. Il faut renforcer et intensifier « la vie de prière » des membres du peuple de Dieu, surtout celle du clergé régulier et des religieux. En effet, aujourd’hui, les effets négatifs de la tendance à la sécularisation sont particulièrement lourds et se font sentir même à l’intérieur des monastères, dans les séminaires, dans la vie familiale comme dans la vie paroissiale.
Nous devons insister encore davantage sur l’approfondissement de la foi, sur la rencontre de Dieu dans la vie, sur la place de la Parole de Dieu et des sacrements. Nous insisterons surtout sur le renouvellement de la pastorale du sacrement du baptême et de la réconciliation. Le plus important reste l’exemple lumineux qui est donné depuis le cœur même de l’Eglise, particulièrement celui des pasteurs, des formateurs, des supérieurs de communauté, des parents à l’intérieur des familles.
En dehors de l’orientation qui a été tracée dans la lettre commune de la Conférence des évêques du Vietnam, j’ai souligné un certain nombre de points pour éviter la méprise de ceux qui pensent que l’Eglise du Vietnam ne pénètre pas assez profondément dans le concret de la vie, mais se contente de parler d’une façon générale. Nous sommes tout à fait conscients qu’il est nécessaire d’amener la lumière du Christ, la lumière de la foi (Lumen Fidei) dans la vie concrète de la société d’aujourd’hui, mais nous ne pouvons que souligner un certain nombre de points fondamentaux.
Le reste, c’est l’œuvre de tous les chrétiens qui veulent être des disciples authentiques du Christ. Mettre ces quelques points en relief ne signifie pas que nous allons abandonner toutes les bonnes choses que nous avons l’habitude de réaliser ou que nous allons laisser tomber les catégories de personnes qui ne sont pas mentionnées dans cet entretien. Par exemple, parler davantage des pauvres ne signifie pas abandonner les autres, les chefs d’entreprise ou ceux qui jouissent de bonnes conditions de vie. Dans l’Eglise catholique, nous avons l’habitude d’englober plutôt que d’exclure. Faire une chose sans en exclure une autre, se préoccuper d’une catégorie de personnes sans s’écarter les autres.
(Source: Eglises d’Asie, 11 novembre 2013)
Comme il le rappelle dans son introduction, la ligne directrice de la pastorale à venir de l’Eglise au Vietnam existe déjà. Elle a été tracée lors de la dernière assemblée des évêques; elle est toute orientée vers la « nouvelle évangélisation », une évangélisation qui aura successivement pour support la famille, les communautés paroissiales et religieuses et, enfin, la société tout entière.
A cette ligne commune déjà adoptée par la Conférence des évêques, le nouveau président a ajouté un certain nombre de points. Il a en particulier rappelé les deux références essentielles, l’une à l’universalité de l’Eglise, la seconde à son enracinement particulier sur la terre du Vietnam. Elle est l’Eglise catholique au Vietnam et, pour cela, entraîné dans le mouvement pour la pauvreté et la simplicité, lancé aujourd’hui dans l’Eglise par le pape François. Son enracinement au Vietnam lui impose le devoir d’acculturation, qui, selon le nouveau président de la Conférence épiscopale, n’en est encore qu’à ses débuts.
Ce texte a été mis en ligne sur le site de la Conférence épiscopale du Vietnam à l’adresse suivante: http://www.hdgmvietnam.org/duong-huong-muc-vu-cua-giao-hoi-chua-kito-tai-viet-nam/5540.63.8.aspx
Il a été traduit en français par la rédaction d’Eglises d’Asie.
Le sujet qui m’a été suggéré par l’assemblée est le suivant: « Quelle est l’orientation pastorale actuelle de l’Eglise au Vietnam ? ». Ce thème a fait l’objet des débats de la Grande Assemblée du peuple de Dieu en 2010, dans le cadre du schéma: « Eglise au Vietnam, Mystère – Communion – Mission ». Il a ensuite pris une forme concrète dans la Lettre commune publiée à l’issue de la grande assemblée sous le titre: « Ensemble, consolidons la civilisation de l’amour et de la vie ». Cette lettre commune a présenté l’orientation pastorale de l’Eglise au Vietnam pour plusieurs années, avec un programme d’activités concrètes s’étalant de l’année 2010 jusqu’à l’année 2013. Lui a succédé la campagne pour la nouvelle évangélisation, proposée dans la récente Lettre commune rédigée par la Conférence épiscopale, le 10 octobre 2013, au cours de son assemblée plénière: «La nouvelle évangélisation exige que soit révisé l’ensemble des activités pastorales sous tous leurs aspects. Ce qui signifie que nous devons procéder à la transformation aussi bien de nos mentalités que de nos orientations et des méthodes utilisées dans notre action pastorale » (Lettre commune du 10 octobre 2013, & 4). La lettre présente également un programme pastoral s’étalant sur trois années: année 2014, évangélisation de la vie familiale; année 2015, évangélisation de la vie des paroisses et des diverses communautés; année 2016, évangélisation de la vie sociale.
L’Eglise du Vietnam est, en vérité, l’Eglise de Jésus-Christ au Vietnam, l’Eglise universelle au Vietnam, l’Eglise une et sainte, catholique et apostolique au Vietnam, l’Eglise catholique latine dont le chef est le pape François, elle est associée à l’ensemble des évêques catholiques du monde, elle est présente et œuvre concrètement sur le territoire du Vietnam. Pour cette raison, son orientation est l’orientation commune de l’Eglise, même si, au Vietnam, il y a, bien évidemment, des caractéristiques particulières, des adaptations à l’environnement culturel et social.
C’est dans cette perspective à la fois commune et particulière que nous devons placer « l’orientation pastorale actuelle de l’Eglise au Vietnam ». Je me contenterai de souligner un certain nombre de points d’ordre général, dans l’esprit du concile Vatican II, de l’enseignement de l’Eglise post-conciliaire, plus particulièrement celui du pape François, notre bien-aimé pontife.
1.) L’Eglise des pauvres, pour les pauvres
L’Eglise des pauvres
L’Eglise fondée par Jésus-Christ est née au milieu des gens pauvres; elle est composée en grande partie de pauvres. C’est pourquoi ceux-ci doivent avoir leur place et faire entendre leurs voix dans l’Eglise. Ils ne peuvent pas toujours rester à une place subalterne, impuissants à se faire entendre.
L’Eglise pour les pauvres
On peut être pauvre matériellement, culturellement, spirituellement, moralement. Il y a aussi ceux qui sont méprisés, opprimés, les malades, les affamés, les vieillards, les faibles et les isolés. L’Eglise doit se préoccuper davantage de ces catégories de personnes. Elle doit leur dispenser des soins particuliers, les accompagner, partager leur vie, partager ses ressources avec elles, leur assurer son aide quand elles en ont besoin.
Cette priorité de la pauvreté a pour premier corollaire la vie pauvre et dépouillée des diverses composantes de l’Eglise ayant une vocation spéciale, comme les prêtres séculiers et les religieux, les diocèses et paroisses, les ordres et les congrégations religieuses. « Que l’on diminue la construction d’établissements de trop grandes dimensions et que l’on allège les dépenses somptuaires ! »
2.) L’Eglise de tous et pour tous (c’est le sens du mot « catholique »)
L’Eglise tous
Elle est l’Eglise du Christ et de tous ceux qui veulent se faire ses disciples. Elle n’appartient en propre à personne, ni à la hiérarchie, ni au clergé ou aux religieux, mais à tous les membres du peuple de Dieu.
Autre corollaire de la même priorité: il est nécessaire qu’il y ait une collaboration plus étroite, plus riche, plus variée entre les congrégations religieuses et le clergé séculier. Il faut également développer au maximum le rôle des laïcs dans l’Eglise, faire en sorte que tout le monde puisse constater notre véritable identité, à savoir « des disciples du Christ » qui, avec les autres disciples, forment le corps unique du Christ.
L’Eglise pour tous
L’Eglise est tournée vers tous, sans exception, y compris ceux qui ne croient pas encore en Dieu. C’est pour cela que le dialogue avec toutes les catégories de personnes est absolument nécessaire. C’est la voie que le Christ lui-même a tracée. L’Eglise doit converser avec tous, partager avec tous selon la volonté du Christ. La voie suivie par le pape François est très claire: « Dialogue, discernement et engagement. »
3.) Une Eglise engagée dans l’annonce de l’Evangile
Avant nous, les missionnaires étrangers, les prêtres, religieux et laïcs du pays ont jeté toutes leurs forces dans l’annonce de l’Evangile. Mais, comme dans beaucoup d’autres endroits du monde, l’annonce de l’Evangile s’est, en partie, arrêtée.
L’Eglise au Vietnam, aujourd’hui, n’a pas encore achevé cette annonce. On a accompli certes des efforts dispersés, mais ceux-ci ne se sont pas poursuivis et n’ont pas reçu d’orientation générale. Nous avons besoin d’un « courageux retournement ». Il faut véritablement du courage pour passer d’une pastorale de maintien (NdT: en français dans le texte), qui préserve et protège un statut et des institutions, à une pastorale missionnaire authentique (NdT: en français dans le texte).
L’Eglise est destinée à tous ceux qui ont besoin de la grâce du salut, une grâce dont chacun a besoin, même s’il n’en a pas conscience, qu’il ne soit pas encore chrétien ou qu’il le soit déjà. C’est pourquoi il existe une « évangélisation » et une « nouvelle évangélisation ». Nous avons besoin d’une nouvelle ardeur, de méthodes et d’orientations nouvelles, d’une nouvelle façon de nous exprimer pour annoncer l’Evangile. Il est nécessaire que nous évangélisions tous les domaines et tous les endroits qui ont encore besoin d’être éclairés. Cette lumière est un besoin pour les « banlieues », entendue au sens propre comme au sens figuré, pour tous les « coins et recoins de l’être », pour tous les aspects de la vie.
4.) L’acculturation
Pour évangéliser et évangéliser à nouveau aussi bien en largeur qu’en profondeur, il nous faut accomplir un pas de géant dans le processus d’acculturation.
Si nous avons besoin de réaliser un effort hors du commun et d’accomplir un pas de géant, c’est parce que, depuis longtemps, l’Eglise au Vietnam a quelque peu oublié cette dimension d’inculturation, aussi bien dans sa vie que dans l’annonce de l’Evangile.
Certes, nous ne devons pas être complexés et considérer la religion chrétienne dans notre pays comme une religion étrangère importée comme le pense un certain nombre de gens. Des efforts considérables ont été accomplis par nos ancêtres et par les missionnaires au cours des siècles écoulés. Cependant, si nous considérons la situation actuelle, nous devons reconnaître « une carence certaine ». En particulier, dans le domaine de la pensée: notre façon de penser est occidentale et, encore plus, les religieux et les prêtres séculiers sont envoyés faire des études en Occident. Les Eglises, les monastères sont édifiés selon les canons de l’architecture occidentale.
Dans le domaine de la liturgie, il n’y a pas eu non plus d’acculturation notable. Le langage ecclésiastique que nous utilisons est encore étranger et difficilement compréhensible pour ceux qui ne connaissent pas encore le Seigneur. Naturellement, l’acculturation doit être comprise dans un double sens: elle consiste à apporter l’Evangile dans une culture pour la faire progresser de l’intérieur. Elle signifie aussi: introduire la culture dans l’annonce de l’Evangile, pour que sa voix soit adaptée aux oreilles du peuple vietnamien. Naturellement, nous devons tenir compte du fait que les gens à qui nous parlons sont des Vietnamiens d’aujourd’hui. La société vietnamienne est encore une société pluriculturelle et comporte de nombreuses ethnies.
5.) L’Eglise contribue à l’édification de la société
L’Eglise contribue activement aux œuvres sociales non pas à la manière des associations caritatives ou des organismes non gouvernementaux, mais à cause de la dimension sociale de l’Evangile.
L’amour et la vérité sont les deux critères essentiels qui identifient les contributions de l’Eglise dans tous les domaines sociaux, plus particulièrement dans l’éducation, les soins de santé. Elle s’efforce d’apporter sa contribution à l’amélioration de l’environnement aussi bien physique que spirituel. Mais son apport le plus grand et le plus original, c’est « l’annonce de la bonne nouvelle de l’amour de Dieu », la présentation du tendre visage du Christ à tous.
La pastorale de l’Eglise doit être une pastorale de la tendresse (NdT: en français dans le texte). Témoignant de la tendresse de Dieu tout particulièrement à l’égard des pécheurs, nous devons exalter et mettre en œuvre une pastorale de la miséricorde (en français dans le texte). Les membres du peuple de Dieu et surtout les pasteurs doivent être de nouveaux « consolateurs » (alter Paraclitus). Il faut consoler et apaiser le peuple de Dieu et tous les hommes, leur rapporter joie et bonheur. Pour parler concrètement, l’Eglise aujourd’hui doit se préoccuper des conséquences néfastes des transformations climatiques sur notre planète, des cataclysmes naturels qui s’abattent sans discontinuer sur notre pays, des fléaux sociaux qui troublent la vie de nombreuses familles et plus particulièrement de la jeunesse.
6.) Le renouvellement de notre vie et de notre façon de faire
Il est nécessaire que soient renouvelées la manière de vivre et les façons de faire de chaque composante du peuple de Dieu, tout particulièrement celle du personnel d’Eglise. Nous devons porter notre attention sur la qualité beaucoup plus que sur la quantité. Il faut renforcer et intensifier « la vie de prière » des membres du peuple de Dieu, surtout celle du clergé régulier et des religieux. En effet, aujourd’hui, les effets négatifs de la tendance à la sécularisation sont particulièrement lourds et se font sentir même à l’intérieur des monastères, dans les séminaires, dans la vie familiale comme dans la vie paroissiale.
Nous devons insister encore davantage sur l’approfondissement de la foi, sur la rencontre de Dieu dans la vie, sur la place de la Parole de Dieu et des sacrements. Nous insisterons surtout sur le renouvellement de la pastorale du sacrement du baptême et de la réconciliation. Le plus important reste l’exemple lumineux qui est donné depuis le cœur même de l’Eglise, particulièrement celui des pasteurs, des formateurs, des supérieurs de communauté, des parents à l’intérieur des familles.
En dehors de l’orientation qui a été tracée dans la lettre commune de la Conférence des évêques du Vietnam, j’ai souligné un certain nombre de points pour éviter la méprise de ceux qui pensent que l’Eglise du Vietnam ne pénètre pas assez profondément dans le concret de la vie, mais se contente de parler d’une façon générale. Nous sommes tout à fait conscients qu’il est nécessaire d’amener la lumière du Christ, la lumière de la foi (Lumen Fidei) dans la vie concrète de la société d’aujourd’hui, mais nous ne pouvons que souligner un certain nombre de points fondamentaux.
Le reste, c’est l’œuvre de tous les chrétiens qui veulent être des disciples authentiques du Christ. Mettre ces quelques points en relief ne signifie pas que nous allons abandonner toutes les bonnes choses que nous avons l’habitude de réaliser ou que nous allons laisser tomber les catégories de personnes qui ne sont pas mentionnées dans cet entretien. Par exemple, parler davantage des pauvres ne signifie pas abandonner les autres, les chefs d’entreprise ou ceux qui jouissent de bonnes conditions de vie. Dans l’Eglise catholique, nous avons l’habitude d’englober plutôt que d’exclure. Faire une chose sans en exclure une autre, se préoccuper d’une catégorie de personnes sans s’écarter les autres.
(Source: Eglises d’Asie, 11 novembre 2013)