A l’approche du 24 mai, journée de prière pour l’Eglise en Chine, Eglises d’Asie a rencontré le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, de passage à Paris pour participer à ‘la nuit des témoins’ à l’invitation de l’Aide à l’Eglise en Détresse.

Eglises d’Asie: Le 24 mai, le pape Benoît XVI appelle les catholiques du monde entier à unir leurs prières à celles de tous les catholiques de Chine. Pouvez-vous nous dire la signification que revêt cet appel sur les plans spirituel, ecclésial et politique ?

Cardinal Zen Ze-kiun : Le Saint-Père croit véritablement au pouvoir de la prière. Très récemment, le 18 avril, lors de l’audience générale du mercredi place Saint-Pierre, Benoît XVI a parlé de la prière en faisant référence à l’Eglise primitive. Evoquant le passage des Actes des apôtres où Pierre et Jean ont été arrêtés pour avoir réalisé des miracles puis ont été relâchés, le Saint-Père a rappelé que les membres de l’Eglise primitive ne se sont pas mis à discuter entre eux de ce qu’il fallait faire, des manœuvres à mettre en place, de la manière dont ils devaient faire face à ce qu’il faut appeler une persécution ; ils se sont mis à prier, à prier ensemble, afin d’être en mesure de rendre témoignage de la vérité. Prier pour avoir le courage de dire la vérité et de témoigner de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. En se référant ainsi aux Actes des apôtres, le Saint-Père indique la place qu’il donne à la prière et invite tout un chacun à faire de même.

Peut-on appliquer cette référence à l’Eglise primitive persécutée à l’Eglise catholique en Chine aujourd’hui ?

Oui, c’est plus qu’évident. La persécution se fait même de plus en plus réelle et concrète. Il n’y a sur ce point aucune amélioration de la part du gouvernement. Ils recourent à des méthodes d’autant plus dangereuses qu’elles sont plus adroites, car ils ne font pas que menacer les personnes, ils les induisent en tentation. Ils ne veulent pas faire des martyrs, ils veulent produire des renégats. Pour l’Eglise, c’est donc bien pire. Ils ont les moyens de tenter les personnes, qu’elles soient bonnes, timides ou faibles, et de les amener à leur obéir. Ces moyens sont l’argent bien sûr, mais aussi le prestige, les honneurs ou une position dans la société. Face à cela, le Saint-Père a institué la journée de prière du 24 mai ; c’est un fait unique et inédit qui dit bien à quel point le souci de l’Eglise en Chine habite le pape Benoît XVI.

Quelle est la signification de cette journée de prière sur un plan ecclésial ?

Le Saint-Père s’inquiète pour l’Eglise en Chine au sujet de laquelle il dispose d’une information particulièrement détaillée. Jusqu’en 2000, l’usage était que la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et la Secrétairerie d’Etat se réunissent une fois par an ou tous les deux ans pour faire le point sur l’Eglise de Chine. Ces réunions se faisaient en présence d’évêques de Hongkong, Macao et Taiwan, ainsi que de quelques membres de congrégations ou d’instituts religieux. La dernière réunion de ce type avait eu lieu en 2000 et elle s’est déroulée en présence du cardinal Ratzinger. Le cardinal écoutait très attentivement, il a une très bonne mémoire et il connaît donc bien la situation en Chine. Aujourd’hui qu’il est devenu pape, il sait encore mieux à quel point cette situation est devenue encore plus difficile.

Sur les blogs tenus par des catholiques en Chine, on a pu lire que la Commission pour l’Eglise en Chine qui se réunit désormais tous les ans au Vatican depuis 2007, ne pouvait pas vraiment comprendre la situation, étant donné qu’aucun de ses membres ne venait du continent chinois. Que répondriez-vous à ces bloggeurs ?

Comment se pourrait-il que des catholiques de Chine continentale siègent à cette commission vaticane ? Les catholiques en Chine appartiennent soit à la partie « clandestine » de l’Eglise, soit à la partie « officielle » de l’Eglise. S’agissant des « clandestins », leur qualificatif dit bien leur réalité : du fait de leur « clandestinité », ils ne peuvent pas sortir du pays. Comment donc un évêque « clandestin » pourrait-il venir à Rome siéger dans cette commission ? Si d’aventure un tel évêque parvenait jusqu’à Rome, le gouvernement chinois lui interdirait de revenir en Chine. Quant aux « officiels », si ce sont des personnalités qui sont du côté de l’Eglise, ils sont dans la même situation que les « clandestins ». Ils ne peuvent pas voyager à l’étranger et, s’ils obtiennent un passeport, ils ne peuvent participer à de telles rencontres car le gouvernement chinois sait tout et ils auront de sérieux problèmes une fois revenus en Chine. Ainsi, ce ne sont que les personnes qui ne sont pas très « bonnes », je veux dire qui ne sont pas très fidèles à l’Eglise mais qui sont plus fidèles au gouvernement, qui sont autorisées à voyager à l’étranger. Le problème est que ces personnes ne peuvent pas dire la vérité ou qu’elles ne veulent pas dire toute la vérité. Elles ne sont plus de notre côté et on ne peut donc décemment les inviter à prendre part aux travaux de cette commission.

Ceci dit, les membres de la Commission vaticane pour l’Eglise en Chine connaissent parfaitement la situation de l’Eglise en Chine. Ils vont en Chine, ils y ont des contacts, ils suivent la situation depuis des années, des décennies même. La Commission est donc parfaitement informée. La difficulté n’est pas là. Elle est plutôt dans le fait que cette commission n’est que consultative. Ses membres n’ont pour seul pouvoir que celui de la parole et d’apporter leurs conseils au Saint-Siège. C’est le Vatican qui a le pouvoir d’agir.

D’un point de vue politique, quelle est précisément la signification de la journée de prière du 24 mai ?

Pour les gens d’Eglise, savoir que l’Eglise universelle prie pour eux ce jour-là est quelque chose d’extrêmement important. C’est un puissant réconfort. D’autant plus que ce 24 mai correspond au jour où l’on célèbre la mémoire liturgique de la Vierge Marie, Secours des chrétiens. En Chine, il existe plusieurs sanctuaires mariaux mais le plus célèbre est celui de Shanghai, à Sheshan. L’air que l’on respire à Shanghai est un peu plus libre qu’ailleurs en Chine. De plus, Shanghai tient une place particulière dans l’Eglise de Chine. C’est le lieu où s’est tenu le premier synode de l’Eglise de Chine, en 1924, et c’est à Sheshan que le nonce d’alors, Mgr Constantini, a mené l’ensemble des évêques pour consacrer l’Eglise de Chine à la Vierge Marie, Auxiliaire des chrétiens. C’est donc la Vierge Marie qui défend les catholiques et le pape des dangers qui les guettent qui est ici honorée. C’est la Vierge qui a été invoquée à Lépante ou à Vienne assiégée par les musulmans. C’est la Vierge qui a été invoquée lorsque Napoléon a fait prisonnier le pape. C’est la Vierge qui défend les chrétiens qui est invoquée à Sheshan.

En 2007, lorsque le pape Benoît XVI a publié sa Lettre aux catholiques de Chine, la réaction du gouvernement chinois a été négative. Pékin ne voulait pas admettre que le Saint-Siège insinue que l’Eglise en Chine était persécutée par les autorités civiles. Par exemple, après la publication de la lettre papale, nous avons voulu à Hongkong organiser un pèlerinage à Shanghai. Mais les autorités chinoises ne nous ont pas autorisés à le faire. Depuis cette date, durant tout le mois de mai, tous les pèlerinages à Sheshan sont interdits aux groupes qui ne sont pas de Shanghai. Cela signifie bien que le gouvernement est très mécontent que l’on puisse signifier que l’Eglise en Chine est persécutée.

Vous dites que la Commission vaticane pour l’Eglise en Chine est importante mais qu’elle n’est pas en mesure de décider des actions concrètes. Que voulez-vous dire ?

Cette commission est effectivement très importante. Vous devez réaliser que durant trois jours, la totalité de la tête de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et la totalité de la tête de la Secrétairerie d’Etat cessent tout travail pour se réunir du matin au soir autour de questions concernant l’Eglise de Chine. C’est dire l’importance que le Saint-Père accorde au travail de cette commission. Vous ajoutez cinq évêques (de Hongkong, Macao et Taiwan), dix experts issus des congrégations et instituts missionnaires, plus le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi ainsi qu’un ou deux spécialistes du droit canon. C’est vraiment très important. Mais l’organisation du Saint-Siège fait que la voix d’une telle commission est seulement consultative. Nous donnons notre opinion et celle-ci est transmise au Saint-Père. L’exécution des décisions ressort des dicastères romains et, dans le cas présent, de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Si nos conseils ne sont pas suivis d’effets, alors nos conseils sont inutiles.

Dites-vous que les conseils donnés par la commission ne sont pas suivis ?

Oui. Je suis au regret de dire que parfois seuls les conseils d’un expert ont été suivis tandis que les autres ont été ignorés. L’objet de mon propos n’est pas ici de personnaliser une polémique qui est sur la place publique depuis longtemps déjà. Tout le monde sait qu’à plusieurs reprises, j’ai pris position contre les vues défendues par le P. Jeroom Heyndrickx, CICM. Ses idées tout comme l’interprétation qu’il donne de la lettre de 2007 du pape Benoît XVI sont mal situées. Le problème est que la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a durant des années écouté le P. Heyndrickx et lui seul. Avec la nomination par Benoît XVI d’un nouveau préfet, en la personne du cardinal Fernando Filoni, et d’un nouveau secrétaire, en la personne de Mgr Savio Hon Tai-fai, les choses pourront peut-être changer.

Quels changements escomptez-vous ?

Encore une fois, nul besoin de personnaliser ce dossier. Il ne s’agit pas de juger les personnes mais de jauger à partir de quels critères l’on fonde une politique. Aujourd’hui, depuis 2007, les critères sont clairs : ils ont été posés par la lettre du Saint-Père aux catholiques de Chine. La lettre est claire, elle est publique et elle est disponible en différentes langues. Tout le monde peut donc s’y référer. Or j’estime que la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et le P. Heyndrickx n’ont pas respecté cette lettre en en donnant une interprétation biaisée.

La lettre du pape est un modèle d’équilibre entre les principes de l’Eglise, de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique, et un nécessaire souci pastoral envers les personnes qui ont commis des erreurs, et même envers le gouvernement chinois. Mais la netteté des propos du pape n’est pas appréciée par tous dans l’Eglise où les héritiers de ce qu’on a appelé à l’Ostpolitik sont toujours présents. Pour ces héritiers, le maître mot est le « compromis ».

Aujourd’hui, où en sommes-nous précisément ?

En comparaison de 2007, la situation s’est détériorée du fait justement de ce souci permanent du compromis. Un exemple : à l’approche de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques, la Commission vaticane pour l’Eglise en Chine avait obtenu que le communiqué qui rend compte de ses travaux soit particulièrement clair, dans le sens il était dit aux évêques de Chine que leur participation à cette Huitième Assemblée n’était pas possible. Le gouvernement chinois avait déjà par deux fois repoussé la tenue de cette assemblée. On pouvait donc espérer que les évêques réagiraient et auraient le courage de ne pas céder aux pressions de Pékin. Bien sûr, on ne pouvait sans doute pas espérer un retournement complet de situation, mais il était envisageable que l’on assiste à cette occasion au début de quelque chose de nouveau, à un sursaut de fidélité à Rome des évêques « officiels ». Au moins une partie d’entre eux aurait refusé les pressions de Pékin. La difficulté est que des instructions, sinon contradictoires du moins accommodantes, ont été données depuis Rome. Concrètement, des évêques chinois ont approché le Saint-Siège pour demander ce qu’ils devaient faire, ils ont argué du fait que leur situation était difficile et délicate, et il leur a été répondu : « Nous comprenons, nous comprenons. » Il a sans doute suffi d’un seul évêque à qui une telle réponse a été faite. En Chine, les choses se savent vite. Le gouvernement l’a donc su et il s’est engouffré dans la faille pour mener à bien cette Huitième Assemblée, sachant qu’à Rome « ils comprendraient ».

Si seulement le Saint-Siège avait alors exprimé une seule voix, disant aux évêques chinois que, quelle que soit la difficulté de leur situation et les pressions qu’ils subissaient, ils ne devaient pas prendre part à cette assemblée, les choses se seraient passées différemment et le gouvernement n’aurait sans doute pas oser pousser son avantage.

Dans ce contexte, comment comprendre les nominations épiscopales en Chine aujourd’hui et les difficultés lors des cérémonies d’ordination des nouveaux évêques ?

Dans le communiqué publié à l’issue de la dernière réunion de la Commission vaticane pour l’Eglise en Chine, nous avons tenté d’aborder ces questions. Il y a trois cas de figure.

Premièrement, en cas d’ordination illégitime, les choses sont claires : Rome ne peut accepter qu’un évêque soit ordonné en-dehors du consentement du pape. Cela s’est pourtant passé en novembre 2010 puis à deux nouvelles occasions en 2011. En novembre 2010, la Secrétairerie d’Etat a réagi par un communiqué aux termes choisis. En 2011, la nouvelle équipe que Benoît XVI avait nommée à la tête de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (le cardinal Filoni et Mgr Savio Hon Tai-fai) était déjà en place et le communiqué du Saint-Siège a été encore plus explicite puisque la peine d’excommunication n’était plus seulement une menace mais une réalité. Le droit canon existe, il définit les comportements qui entraînent une peine d’excommunication, il a été appliqué.

Deuxièmement, le cas de la nomination d’un évêque approuvé par Rome et accepté par Pékin. Certaines personnes sont très satisfaites de ce cas de figure : « Voici un évêque nommé par Rome qui est accepté par Pékin ! » Je me permets d’exprimer mes doutes. Est-ce bien là la réalité ? Je m’en réjouirais si c’était le cas, mais, lorsque deux entités qui ont des vues divergentes se mettent d’accord pour nommer une personne, cela veut dire qu’elles ont accepté des compromis. Il faut se poser la question de savoir qui fait des concessions. Est-ce le gouvernement chinois qui a accepté le candidat de Rome, ou Rome qui a accepté le candidat de Pékin ? Je crains que ce soit le Saint-Siège qui ait accepté de faire des concessions. Si c’est le cas, alors de telles nominations ne sont pas bonnes pour le bien de l’Eglise. Bien entendu, c’est le pape qui nomme les évêques. Mais vous connaissez la manière dont fonctionne le Saint-Siège : pour l’Eglise en Chine, c’est la Congrégation pour l’évangélisation des peuples qui présente au Saint-Père les noms des évêques à nommer. Mon avis est que les années passées, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a accepté trop de compromis. La conséquence est qu’en Chine, nous avons trop d’évêques qui ne sont pas de bons évêques.

Troisièmement, le cas d’un évêque approuvé par Rome et accepté par Pékin mais dont l’ordination se déroule en présence d’un ou de plusieurs évêques illégitimes ou frappés d’une peine d’excommunication. Si ces évêques prennent part à ces cérémonies d’ordination de leur plein gré, quelle mauvaise foi de leur part ! On peut penser que c’est le gouvernement qui les envoie, qui les contraint à y aller, dans le but de créer de la division, du désordre. Mais alors, que de difficultés ajoutées à une Eglise qui n’en manque pas ! Poser de tels actes en violation évidente du droit canon ne doit pas rester sans conséquence, sauf à créer plus de confusion parmi le peuple des fidèles.

Quelle espérance gardez-vous pour cette Eglise ?

Pour tout ce qui concerne l’Eglise en Chine, nous avons à considérer trois entités : l’Eglise de Chine elle-même, le gouvernement chinois et le Saint-Siège. Il y a quelques années, nous pouvions faire montre d’un certain optimisme. Et c’est avec cet optimisme à l’esprit que la lettre du pape a été écrite en 2007. Cet optimisme était nourri du fait que, lorsque la Chine a entamé sa politique d’ouverture fin 1979, parmi les évêques âgés encore en place et qui avaient été nommés de manière illégitime, nombreux sont ceux qui, à la faveur des nouvelles facilités de communication avec Rome, ont approché le Saint-Siège pour demander pardon et rentrer dans la communion avec l’Eglise universelle. Le Saint-Siège a été très généreux, tout en étant prudent et en menant des enquêtes précises sur ces évêques. L’avis des évêques « clandestins » a été demandé et, le plus souvent, ces évêques ont été légitimés avec l’accord des évêques « clandestins ». Pour ces évêques repentants, il a fallu faire preuve de courage pour approcher ainsi le Saint-Siège car il est évident que le gouvernement avait eu vent de leur démarche. En dépit du danger, ces évêques ont agi pour le bien de l’Eglise et le gouvernement ne les a pas sanctionnés.

Les années passant, Rome a été dans l’obligation de nommer de nouveaux évêques, de jeunes évêques. Au sein de la partie « officielle » de l’Eglise, les évêques sont « élus ». Ces élections sont manipulées par le gouvernement. Mais on peut penser que le gouvernement ne cherche pas à ajouter des problèmes supplémentaires à ceux qu’il doit déjà gérer par ailleurs. Il ne cherche donc pas nécessairement à faire « élire » les pires candidats à l’épiscopat. Ce ne sont sans doute pas les meilleurs qui sont choisis, mais pas les plus mauvais non plus. Du côté du Saint-Siège, la même générosité s’est exprimée et ces jeunes candidats à l’épiscopat ont le plus souvent été acceptés par le pape. Et il faut ajouter que ces jeunes candidats ne voulaient pas accepter la charge d’évêque sans être nommés par le pape. Eux-aussi donc ont su faire preuve de courage.

C’est dans ce contexte que le Saint-Père a écrit sa lettre de 2007 : lorsque les évêques font preuve de courage, les autorités chinoises sont suffisamment intelligentes pour ne pas sévir et, lorsque le Saint-Siège fait preuve de générosité, il renforce le courage des évêques chinois. Cependant, certains ont dit qu’il y avait une contradiction dans la politique du Saint-Siège : le pape nomme des évêques « officiels » qui sont en même temps membres de l’Association patriotique des catholiques chinois, une organisation incompatible avec la doctrine catholique. Avant la lettre du pape de 2007, il était sous-entendu que les évêques n’avaient rien à faire avec cette association incompatible avec la foi catholique. Après la lettre du pape, les choses ont été clarifiées : le pape écrit que les évêques ne doivent pas être liés à cet organisme. Pourtant, depuis 2007, rien ne s’est passé. C’est tout simplement le fruit des années passés où la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a fait passer aux évêques chinois des messages contradictoires ou, à tout le moins, les incitant à penser qu’un certain degré de compromission avec Pékin était envisageable. Aujourd’hui, les équipes en place au Saint-Siège ont changé certes, mais nous continuons de vivre sur cet héritage. La conséquence est qu’aujourd’hui, je vois moins d’espoir pour la partie « officielle » de l’Eglise en Chine qu’il y a cinq ans, lorsque la lettre du pape a été publiée. Je vois des évêques moins courageux qu’autrefois, des « opportunistes » ainsi que Mgr Savio Hon Tai-fai l’a écrit.

Le changement d’équipe à la tête de la Chine, prévu à l’automne 2012, peut-il apporter du nouveau de ce point de vue ?

Personne ne peut être sûr de rien à propos de la Chine. La Chine est mystérieuse et imprévisible. Je vous l’ai dit : si, il y a quelques années, je pouvais me montrer plus optimiste au sujet de l’Eglise, aujourd’hui je suis pessimiste. Notre foi nous apprend toutefois à demeurer dans l’espérance. Humainement, je place mon espoir dans les catholiques, les fidèles laïcs. Peut-être pas les plus jeunes générations qui n’ont pas une foi ancrée au plus profond d’elles-mêmes, mais les générations anciennes, parce qu’elles ont traversé des épreuves terribles et ont su conserver la foi à travers ces épreuves, et qui sauront faire passer à l’Eglise ce dont elle a besoin pour survivre aux difficultés présentes.

S’agissant des communautés « clandestines », il faut dire que là aussi, les politiques erronées du Saint-Siège ont fait beaucoup de dégâts. Les héritiers de l’Ostpolitik au Vatican, par la recherche permanente du compromis avec le pouvoir en place, n’ont pas accordé suffisamment d’importance aux communautés « clandestines » ; ils les ont négligées, voire même considérées comme une gêne. Le résultat, c’est, par exemple, l’évêque de Baoding qui a été encouragé à quitter les rangs des « clandestins » pour rejoindre les « officiels ». Après tant d’années en prison, lui qui était considéré comme un héros n’a semé que la confusion et la désunion au sein du diocèse. Quelle tristesse !

Je ne veux pas qu’il y ait de malentendus dans mes propos. Lorsque je dis que le Saint-Siège n’a pas agi comme il aurait dû agir, beaucoup de gens vont comprendre que c’est le Saint-Père que je mets en cause. Ils ont tort. C’est tout le contraire. J’ai toute confiance dans le Saint-Père et chaque catholique doit garder toute sa confiance dans le Saint-Père. Le Saint-Père est extrêmement patient et si ses collaborateurs n’ont pas toujours œuvré avec toute la sagacité nécessaire, le pape a fini par agir et a changé l’équipe qui, à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, suit les affaires de l’Eglise en Chine.

(Source: Eglises d'Asie - 23 mai 2012 )