Organisme non partisan affilié à l’Eglise catholique, le Parish Pastoral Council for Responsible Voting (PPCRV, en français ‘Conseil paroissial pastoral pour un vote responsable’), est un acteur crucial des élections nationales et locales, organisées le 9 mai dernier dans le principal pays catholique d’Asie. Le PPCRV est chargé, par décision de la
Cour suprême, de s’assurer du bon déroulé de ce scrutin à un seul tour, alors que le décompte, très serré, se poursuivait hier, 13 mai, pour la vice-présidence.

Après l’élection à la présidence de l’archipel aux 100 millions d’habitants du très controversé Rodrigo Duterte, avec l’un des scores les plus élevés de ces dernières années (près de 40 % des suffrages) et une participation record de 81 %, deux candidats que tout oppose restent au coude-à-coude pour la vice-présidence. D’un côté, ‘Bongbong’ Marcos, le fils du dictateur déchu Ferdinand Marcos (au pouvoir de 1965 à 1986). De l’autre, Leni Robredo, longtemps militante des droits de l’homme.

Déjà sénateur, Bongbong Marcos, 58 ans, a toujours refusé de s’excuser pour les exactions commises par le régime de son père, à l’époque de la loi martiale, décrétée en 1972. Pour sa part, la députée Leni Robredo, catholique, promet de ne céder à aucun compromis au sujet des droits de l’homme face à Rodrigo Duterte. « Selon moi, le vice-président doit, par principe, soutenir le président même si ce dernier est issu d’un parti différent; néanmoins, il y a des sujets sur lesquels on ne peut transiger. Les droits de l’homme en font partie. J’ai l’espoir de faire évoluer sa position [celle de Duterte] si le décompte électoral montre que je suis élue », a affirmé la responsable politique.

De son côté, le porte-parole de Rodrigo Duterte a fait savoir que Leni Robredo, si c’est elle qui est désignée vice-présidente par les urnes, ne ferait pas figure de « pot de fleurs ».

Le PPCRV, un acteur-clef pour la crédibilité des opérations de vote

Aux Philippines, le président et le vice-président ne font pas partie d’un même ticket, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Elus le même jour mais de manière distincte, ils sont en général issus de partis politiques différents.

Les Philippins ont adopté le vote électronique depuis 2010. Pour les élections nationales, l’ensemble des résultats est transmis en temps réel à des serveurs informatiques hébergés à Manille par la Commission électorale. Le processus se déroule sous l’œil du PPCRV, défini comme « son bras citoyen » et chargé d’un premier décompte rapide, réalisé à partir d’échantillons de voix. Fondé en 1991 à l’initiative des évêques philippins afin de mobiliser les catholiques dans la lutte contre la fraude électorale, le PPCRV a acquis une expérience et gagné une crédibilité très forte au fil des scrutins.

Alors que pour la vice-présidence le processus se poursuivait ce vendredi, le camp Marcos a accusé Leni Robredo de fraude électorale. Longtemps en tête dans les intentions de vote, Bongbong Marcos a évoqué « une tournure étrange » des événements, après que Leni Robredo est passée devant lui dans le décompte des votes. En guise de protestation, une centaine de partisans de Marcos ont manifesté au parc Luneta. Bongbong Marcos a quant à lui demandé l’interruption du décompte. Requête rejetée par la Commission électorale, qui a demandé au candidat d’apporter d’abord des preuves de ses allégations.

« Profond attachement des Philippins à la démocratie électorale »

Plusieurs observateurs étrangers ont assisté aux élections philippines. « La méthode d’échantillonnage des voix appliquée par le PPCRV est un progrès en faveur de la vigilance et de l’intérêt des citoyens », a déclaré Leif Petterson, envoyé par le Parlement suédois. L’observateur suédois a rendu hommage « aux héros anonymes de ces élections », qui étaient bel et bien « visibles et actifs » dans les différents lieux visités par les observateurs internationaux, en particulier les enseignants, chargés par la loi philippine de tenir les bureaux de vote. « Nous avons constaté des pannes de machines, des cas d’achats de vote, de violences électorales et d’autres irrégularités », témoigne Anushka Ruge, observateur allemand. « Mais dans l’ensemble l’élection s’est déroulée de manière sérieuse et dans le calme », poursuit-elle, interrogée par l’agence Ucanews. Pour le groupe d’observateurs, « le taux de participation de 81 % est extraordinaire », et les Philippins, venus en masse aux urnes « malgré les longues queues, les pépins techniques et les anomalies, témoignent ainsi de leur profond attachement à la démocratie électorale ».

Dans un pays coutumier des violences électorales, ce scrutin a été entaché de plusieurs actes graves. Une dizaine de personnes ont été tuées le jour des élections, notamment dans des fusillades, rapporte l’AFP. A Mindanao, la grande île du sud de l’archipel, vingt hommes armés ont attaqué un bureau de vote avant de voler les urnes à Sultan Kudarat, bastion de la rébellion islamiste. Plus au nord, un électeur a été abattu à l’intérieur même du bureau de vote à Abra, région en proie aux milices armées. En route pour porter une copie des résultats des élections locales, une volontaire du PPCRV a été tuée dans une embuscade à Pagadian, dans l’ouest de Mindanao, rapporte le site de la conférence des évêques philippins, CBCP News. Selon la police, 50 personnes sont mortes durant la campagne électorale, débutée en janvier.

Au total, le PPCRV a déployé 700 000 personnes le jour des élections, sauf à Cotabato, dans la Région autonome en Mindanao musulmane (ARMM), pour des raisons de sécurité.

Les résultats intégraux et officiels des élections sont attendus la semaine prochaine. Rodrigo Duterte entrera en poste le 30 juin, et le Congrès renouvelé aux trois quarts, le lendemain. (eda/md)

(Source: Eglises d'Asie, le 14 mai 2016)